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Jacques Lecomte : « Donner un message d’espoir, notamment aux jeunes »

Auteur de nombreux livres, dont La bonté humaine ; altruisme, empathie, générosité (Odile Jacob, 2012) et, plus récemment, Le monde va beaucoup mieux que vous ne le croyez ! (Les Arènes, 2017), Jacques Lecomte est un représentant de la psychologie positive qui sait s’adresser à un large public, y compris scolaire. Ses prises de position contre le « catastrophisme » nous ont donné envie de l’interroger.

 

Quelle a été votre expérience scolaire ? Est-ce elle qui vous a donné une leçon d’optimisme ?

Pas vraiment. Si ma scolarité primaire a été heureuse, quand je suis entré dans un grand lycée lyonnais, les choses se sont mal passées. Je n’ai guère rencontré par exemple de bienveillance et d’encouragement à la coopération, et peu à peu mes résultats se sont dégradés. Je me souviens pourtant d’une occasion où, chose exceptionnelle, un enseignant est venu à mes côtés, alors que j’étais en plein décrochage, pour m’encourager. Mais ça s’est arrêté là, j’aurais aimé pouvoir dialoguer avec lui et trouver un soutien que je n’avais guère dans mon milieu familial très dur. Ce n’est que bien plus tard, suite à diverses expériences, notamment communautaires, que j’ai pu reprendre des études, jusqu’à obtenir un doctorat de psychologie. Je pense qu’aujourd’hui, en comparaison des années 70, on est davantage à l’écoute des décrocheurs et on agit mieux pour prévenir ou enrayer le processus.

L’un de vos livres s’intitule La bonté humaine. Vous vous doutez bien que cela peut susciter les sarcasmes des cyniques en tout genre. De quoi s’agit-il en fait ?

L’état actuel des connaissances scientifiques nous amène à conclure qu’il y a chez l’être humain une aspiration à la coopération, à la solidarité. Les comportements violents ne sont pas inscrits dans sa nature. Je cite dans mes ouvrages de nombreux exemples d’altruisme, lors de catastrophes naturelles, par exemple. J’évoque aussi bien sûr des figures comme celles des Justes qui ont sauvé des Juifs de la Shoah, mais je déplore qu’on en ait fait des héros, comme si leur comportement était exceptionnel. Eux-mêmes refusent cette étiquette. En revanche, il est vrai que les mêmes humains peuvent facilement céder à une autorité supérieure susceptible de les mener au pire. La fameuse expérience de Milgram ne prouve pas, contrairement à une certaine interprétation, que la cruauté, l’absence d’empathie sont dominants, mais que dans certaines circonstances, on peut manipuler les individus dans ce sens.

Récemment, vous avez remis en cause ceux qui parlent de l’« effondrement imminent » suite aux désastres écologiques et au dérèglement climatique. Pourquoi ?

Bien sûr, je suis d’accord avec beaucoup de constats que font ceux qui se disent « collapsologues » (je récuse ce terme qui donne une apparence scientifique à ce qui ne l’est pas) et m’élève contre tout climatoscepticisme. Mais on ne peut fonder une politique sur la peur. Cela empêche d’agir. Des études ont montré par exemple l’inefficacité des campagnes antitabac fondées sur la peur. Il faut plus que jamais travailler à des solutions, et ceci sur deux terrains différents : l’atténuation du réchauffement climatique ou de la destruction de la biodiversité, et l’adaptation aux nouvelles conditions de vie de demain. Les « effondristes » sont surtout occupés par le deux­ième aspect. Il faut pouvoir donner un message d’espoir, notamment aux jeunes, car beaucoup de solutions existent. Je compte d’ailleurs publier un ouvrage sur la question prochainement.

Vous arrive-t-il de dialoguer avec des jeunes et qu’en retirez-vous ?

Oui, il m’arrive d’être invité dans des collèges et lycées et dans l’ensemble, je vois des auditoires vraiment intéressés. À vrai dire, quand j’évoque au début mon histoire familiale, mes difficultés à l’école, puis la résilience et mon envie de rompre avec ces pentes fatales qui me conduisaient, jeune, au bord du suicide, ils sont touchés. Ensuite, on peut parler des comportements humains et de l’importance de l’empathie, des émotions, de la générosité, tout en s’appuyant sur des faits, des études de psychologie, etc.

Que faudrait-il, selon vous, développer à l’école, pour faire progresser ces idées ?

De façon générale, je considère que l’école ne devrait pas être seulement un lieu d’apprentissages cognitifs, mais également d’éducation à la citoyenneté, mais de façon très concrète. J’aimerais donc citer trois pistes qui favorisent simultanément ces deux formes d’apprentissage. D’abord, l’apprentissage coopératif. Ensuite, les dispositifs de médiation entre pairs, pour résoudre les conflits. Enfin, les diverses formes de tutorat qui profitent à la fois à ceu:>x qui sont aidés mais aussi à ceux qui aident. Mais tout cela, je ne vais sans doute pas l’apprendre aux lecteurs des Cahiers pédagogiques !

Le développement des compétences psychosociales parait aujourd’hui essentiel, à la fois pour l’insertion professionnelle future et pour la formation du citoyen, qui ne peut se faire à coups de cours d’instruction civique, mais passe par des pratiques, comme celles que je viens d’évoquer.

Propos recueillis par Jean-Michel Zakhartchouk


article paru dans notre n°556, Sujets à émotions, coordonné par Florence Castincaud et Jean-Charles Léon, novembre 2019.

Même si les émotions et le vécu font partie du processus d’apprentissage, le sujet doit les dépasser pour devenir sujet apprenant ou enseignant. Quels moyens didactiques et pédagogiques permettent de surmonter ces peurs d’apprendre ou d’enseigner? Comment se former pour prendre conscience des affects dans la classe ?

https://librairie.cahiers-pedagogiques.com/revue/780-sujets-a-emotions.html