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« Des enseignants qui se retroussent les manches et qui ré-enchantent le métier »

Quelle a été votre plus grosse surprise en coordonnant ce dossier ?
m-a.jpgMichèle Amiel : Ce qui m’a le plus frappée, c’est la mise en évidence d’un métier qui devient de plus en plus difficile. Les enseignants comprennent bien que la donne est différente : un environnement social qui a changé, les représentations d’un élève idéal qu’il faut abandonner, le cadre d’un établissement autonome qui entraine de nouveaux comportements. En fait, l’acceptation d’une réalité, un pragmatisme nécessaire.

y-m.jpgYannick Mevel : Ce qui m’a frappé, moi, c’est l’absence de contributions spontanées portant sur les questions de statut, comme si celles-ci étaient finalement secondaires par rapport aux changements engagés sur le terrain.

Quelle vision du métier enseignant le dossier renvoie-t-il ?
M. A. : Je redoutais une déferlante d’expression de souffrance sur le métier ou de sentiment de désarroi en lançant ce cahier : plusieurs dossiers diffusés il y a quelques années illustraient cette souffrance chez beaucoup de professionnels. Il est vrai que les questions que nous avions posées induisaient un certain style de réponse : nous insistions sur le changement, sur l’évolution des pratiques ; les enseignants en souffrance ne se sont peut-être pas sentis concernés par notre problématique.

Y. M. : Le dossier propose en effet une conception du métier et du changement dans le métier résolument optimiste, portée par des enseignants qui se retroussent les manches et qui, malgré les obstacles, ré-enchantent le métier. Même les textes qui soulignent les difficultés (on est loin d’une vision aseptisée du métier) sont tendus par un enthousiasme qui repose sur la conviction qu’il est possible de faire apprendre les élèves.

Comment voyez-vous évoluer le métier ?
M. A. : Par l’obligation de faire évoluer ses pratiques professionnelles et d’acquérir de nouvelles compétences pour répondre de manière efficace à ces situations nouvelles : passer de la notation à l’évaluation, du travail individuel au travail en équipe, de la discipline unique à l’interdisciplinarité, de la fermeture dans la classe aux partenariats divers, du niveau de la classe à la participation au pilotage de l’établissement…
Avec, pourtant, une permanence : le souci de l’éthique, le respect de l’élève comme personne, la volonté têtue de le faire progresser et réussir.

Y. M. : Par le bas : des enseignants qui s’y mettent et qui font « bouger le métier » sans attendre le grand soir de la réforme ni même de la refondation. Deux directions majeures : le développement de l’autonomie professionnelle et le développement des solidarités qui permettent cette autonomie. Mais rien n’est acquis : le repli individualiste, la caporalisation, l’usure guettent…

Une phrase préférée ?
M. A. : « L’école tient debout par la vertu conjuguée d’enseignants opiniâtres et la grâce des élèves qui, quoi qu’on en dise, jouent plutôt le jeu, et pas si mal », Catherine Ravelli, in Motus sur l’organisation.

Y. M. : « J’ai bien fait d’apporter ma question » écrit Sylvie Floch’lay en évoquant ses premiers moments avec ses collègues. Voila comment on sort de la solitude du métier ! Quand on sait comment ça s’est continué dans son cas, on ne peut que sourire de béatitude…