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Des enseignants et des ressources

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Des études montrent que les enseignants choisissent d’abord des ressources dans leur espace personnel de travail, constitué au fur et à mesure de leur expérience personnelle, des classes rencontrées, de leur formation initiale. C’est un espace particulièrement difficile à gérer, puisqu’il est à la fois numérique et physique, réparti dans plusieurs lieux (maison, classe, salle des professeurs, casier, ordinateur, smartphone, serveur de l’établissement, etc.). Puis les enseignants se tournent vers les collègues de l’établissement avec qui le partage semble plus facile, puisque l’adaptation aux élèves a déjà été faite dans un contexte similaire. On pense ici notamment, outre aux manuels scolaires toujours massivement utilisés par les enseignants, aux ressources existant au sein de l’établissement, comme le matériel de travaux pratiques et tout ce qui l’accompagne, dans le secondaire comme en primaire (notices, protocoles, fiches de sécurité, énoncés communs à tous les collègues) ou comme la documentation présente au CDI ou dans les classes et à disposition des élèves, ce qu’on retrouve sous le terme d’« objets didactiques ».

Après les manuels, les ressources numériques

Bien sûr, la recherche de ressources se fait largement sur internet, assez peu sur les plateformes institutionnelles de ressources, mais souvent sur des sites disciplinaires créés par des associations d’enseignants (Weblettres, Cyber-Langues, Sésamath, Les Clionautes), sites éventuellement conseillés par des collègues et où les enseignants trouvent des ressources, en général testées en classe et adaptées au niveau de leurs élèves. La participation des enseignants à ces sites est diverse, certains s’engagent et créent des ressources qu’ils partagent, d’autres participent à une création commune, comme dans le cas des manuels publiés en ligne par Sésamath ou Lelivrescolaire.fr, d’autres échangent leurs pratiques via les forums, faisant vivre ainsi ces communautés d’enseignants. Les réseaux enseignants dont l’objectif est centré principalement sur la mutualisation et la production de ressources sans réelle volonté de développer un partage d’expériences entre enseignants, comme pour les universités numériques thématiques (Aunege ou Unisciel par exemple), sont finalement assez peu utilisés, malgré l’intérêt qu’ils présentent pour les étudiants.

Selon certains chercheurs, les enseignants débutants devraient être davantage formés à mieux rechercher l’information, à développer des compétences en littératie numérique, mais aussi à exercer un regard critique sur les ressources trouvées, en lien avec l’usage qu’ils souhaitent en faire. Des programmes de formation se développent qui proposent aux enseignants soit de confronter différentes manières d’appliquer une même ressource, soit de tester eux-mêmes des ressources en classe. L’objectif est d’augmenter ce que certains chercheurs appellent la capacité à mobiliser les ressources existantes pour façonner les séquences pédagogiques (pedagogical design capacity), à la manière d’un artisan qui façonne son œuvre avec un outil, acquérant au fur et à mesure de son expérience la maitrise de sa pratique et de cet outil.

Une recherche sur les ressources

Lancé pour quatre ans depuis mars 2014, le tout nouveau projet de recherche « Ressources vivantes pour l’enseignement et l’apprentissage » (ReVEA) a pour ambition d’étudier de manière détaillée l’usage que les enseignants font des ressources pour préparer leurs cours. Le projet cible quatre disciplines (anglais, sciences physiques, sciences et techniques industrielles, mathématiques) pour savoir si les ressources elles-mêmes et la manière de les utiliser dépendent de la discipline enseignée.

Un panel d’enseignants et de collectifs d’enseignants seront suivis, avec l’objectif de mieux comprendre le « travail documentaire » des enseignants et les facteurs qui influencent ce travail, la manière dont ils s’approprient et modifient les ressources pour les transformer en documents à destination des élèves, mais également la manière dont les ressources font évoluer leurs pratiques.

Le CFC (Centre français d’exploitation du droit de copie), le Syndicat national de l’édition et les responsables des sites nationaux, académiques ou de certains espaces numériques de travail seront également interrogés pour étudier finement les statistiques de vente des manuels, les habitudes des enseignants concernant les photocopies qu’ils effectuent et les téléchargements effectués sur les sites institutionnels. Cette approche inédite en France permettra une première cartographie de l’offre et des échanges qui se créent autour des ressources dans le cadre des disciplines étudiées.

Catherine Reverdy
Chargée d’études et de recherche, service Veille et analyses de l’IFÉ (ENS de Lyon)