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Des cahiers « d’autonomie encadrée »

La gestion d’un cours double demande la présence de l’enseignant avec un groupe d’élèves pendant que les autres travaillent seuls. Elle s’appuie sur une logique de cycle : si le cours double est composé de deux classes d’un même cycle, il est profitable de réaliser certains travaux en commun. En littérature, par exemple, on peut faire lire la même œuvre avec des degrés d’approfondissement différents selon les élèves. Le cours est à géométrie variable : les élèves sont séparés en deux, travaillent en classe entière, ou forment des groupes de besoin.
Il amène à gérer de gros écarts, par exemple entre un « lecteur faible » de CE2 reprenant les correspondances phonèmes-graphèmes complexes et un « lecteur expert » du CM1 ayant automatisé ce traitement, dépassé les mémorisations orthographiques des mots et pouvant travailler seul des textes entiers.
S’impose la nécessité d’installer un travail « autonome », auquel les élèves ont recours dans un « trou » dans leur emploi du temps, non pas une occupation du type « coloriage magique » mais un travail à la portée de tous, du plus lent au plus rapide, du plus faible au plus fort.

Un outil, le travail hebdomadaire en autonomie

Ce devoir, à réaliser sur 2 semaines, est composé de tâches écrites (révision, entraînement, production, recherche…) à exécuter sur un cahier spécifique. Les élèves reçoivent en début de première semaine une liste de tâches.
La réalisation se fait selon les principes suivants :
– un minimum, fixé par le maître, est exigé dans chaque matière proposée, pour que les élèves ne fassent pas beaucoup de travaux dans un domaine et aucun dans un autre. Au-delà de ce minimum, qui n’est pas le même pour tous, les élèves adaptent la quantité produite à leur rythme, au temps dont ils disposent…
– le cahier est donné chaque soir au maître pour correction
– une aide est possible en cours de travail, ce principe s’appuyant sur la réflexion sur la posture d’aide développée avec l’IUFM de Lorraine dans un « PARI »[[Programme Académique de Recherche et d’Innovation]] et mise en ligne sur le site rectoral.
– en fin de quinzaine, le travail est rendu par l’élève qui y a écrit un bilan ; après ultime correction, l’enseignant rend le cahier avec son propre bilan et la note finale.

Je corrige… Tu aides… On gère l’hétérogénéité

Les corrections impliquent une action de l’élève sur son propre travail, ce qui exclut la correction collective, les élèves n’ayant pas fait strictement les mêmes exercices. Elles conduisent à une réponse exacte, trouvée par l’élève, ce qui peut nécessiter plusieurs navettes maître/élève (correction du soir), et peut-être de l’aide. Elles sont faites en amont de l’évaluation finale, celle-ci les prend donc en compte : il s’agit davantage d’« avoir juste » à la fin que d’« avoir juste du premier coup », et surtout de faire les efforts nécessaires à l’amélioration du travail initial.

L’aide proprement dite est graduée. Dans un premier temps, il s’agit d’une simple indication du maître par une annotation sur le cahier (travail juste/faux) lors de sa correction du soir. Si nécessaire, elle s’accompagne d’un code facilitant la correction indiquant une erreur de pose en opération, une erreur de type phonographique en orthographe… Parfois, le lendemain, une aide est donnée à l’oral par le maître ou un travail est effectué avec un autre élève, tuteur, pendant la classe.

Le maître gère l’hétérogénéité en adaptant les quantités données, différentes selon les niveaux de classe, mais aussi, le cas échéant selon le groupe dont font partie les élèves dans des domaines précis (la lecture par exemple). Il propose une adaptation particulière pour les élèves bénéficiant d’un PPRE[[Programmes Personnalisés de Réussite Educative]], accompagne la vitesse de chacun, choisit un type d’aide et l’indique sur les cahiers lors de sa correction du soir.

Pour les élèves, la gestion de l’hétérogénéité prend forme par une mise en situation de réussite, puisque chaque élève réussit, au final, la plupart des tâches, par la note finale qui reflète les efforts fournis, et pas seulement les performances spontanées individuelles de l’élève, par la gradation dans les exigences et les quantités au fil des différents devoirs et par l’aide via les corrections.

Le maître travaille et note

Etablir le plan du travail est assez rapide, l’habitude venant rapidement. Remplir le bilan final est assez rapide aussi (1h à 1h30 pour toute une classe, le dernier soir de la quinzaine). Pour réaliser les corrections intermédiaires, quotidiennes il faut compter une demi-heure ou plus, mais cela a lieu (presque) tous les soirs. Reste à mettre en place un « suivi » en classe pour relancer les retardataires, installer les aides pour les élèves en panne, vérifier les cahiers « oubliés »…

Le devoir est noté sur 20, avec report dans le livret de l’élève pour visualiser l’évolution du travail ; chaque note est évidemment assortie de commentaires précis, à destination de l’élève et de ses parents, qui visent le travail le week-end de fin de quinzaine. Cela a un côté solennel, choisi pour donner du « poids » à ce travail et de la lisibilité pour les parents.
Mais quelle que soit la façon d’évaluer le travail, le principe est qu’il s’agit d’une mesure des efforts et du sérieux de l’élève.

Comme il est dit par boutade aux parents d’élèves en début d’année, les élèves sont notés « à la tête du client », mais c’est littéralement ce qui est fait lorsque l’exigence (sur la quantité) est plus grande avec certains d’entre eux.

Benoît Stéphan, professeur des écoles et directeur à Benney (54).
Jean-Paul Vaubourg, professeur à l’IUFM de Lorraine.