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Démocratie Hypothétique, ou au mieux en Gestation

Au deuxième trimestre, dans les établissements scolaires, des adultes se réunissent sous différents intitulés, commission permanente, conseil d’administration, conseil pédagogique, et se livrent à des échanges ésotériques autour de chiffres et de diverses abréviations : DHG, TRMD, HSA ou HSE, BMP, ATP, etc. Il y a manifestement quelque chose à comprendre, il semble même y avoir de forts enjeux. Tant de chiffres dans tant de cases, il y a forcément une logique derrière. Et d’ailleurs, certains semblent dominer leur sujet, ou peut-être masquent-ils mieux que d’autres leur désarroi face à ce condensé de gestion administrative ?
C’est qu’il faut faire bonne figure : si on est là, c’est tout de même en tant que représentant, de parents, d’élèves, d’enseignants, du personnel, ou bien de l’administration. On a été élu, et donc très formellement investi d’une confiance, voire même d’une compétence supposée. On va très bientôt passer au vote, et il faudra bien se prononcer, même si on n’a pas tout compris, même si on ne comprend même pas bien les conséquences du résultat du vote, en particulier s’il est négatif.
Manifestement, c’est en tout cas mon expérience, il ne suffit pas de réunir des personnes mêmes élues dans les formes, d’organiser une discussion et un vote tout aussi formel, pour qu’on puisse parler sérieusement de démocratie. Lorsque le temps de la réunion se réduit finalement à de (souvent vaines) tentatives d’explicitations de ce tableau si compliqué par le chef d’établissement, lorsque seule une petite minorité de participants parvient à mesurer les choix qui sont faits, à imaginer d’autres choix possibles, comment éviter le soupçon de manipulation, de prise du pouvoir par les technocrates ? Bien sûr, on peut dire qu’il n’y a qu’à se former, on peut rappeler que les documents ont été distribués à l’avance, qu’il y a eu une réunion préparatoire. C’est le plus facile : préserver les formes, garantir la conformité juridique de la décision finale.
Dans un établissement scolaire, lieu d’apprentissage de la citoyenneté, dans un conseil d’administration qui doit assumer la marge d’autonomie accordée à l’établissement, on peut être plus ambitieux, plus soucieux de mettre en place des méthodes de travail porteuses d’un fonctionnement démocratique un peu plus consistant :
– plutôt qu’un tableau illisible et donc inutilisable, préparer des documents qui soient réellement accessibles à tous les participants à la réunion ;
– présenter clairement les contraintes comme les marges de manœuvre ;
– expliciter différentes hypothèses de travail entre lesquelles il faut trancher, en mettant en évidence avantages et inconvénients de chacune ;
– permettre même de participer très en amont à l’élaboration des décisions grâce à des temps de travail mis en place dans l’établissement.
Autant de procédures qui inviteraient chacun à contribuer effectivement à la meilleure décision possible, à exercer effectivement sa part de pouvoir, sans pour autant affaiblir celui des spécialistes de l’administration des établissements, chef ou leader syndical. Pour reprendre des formules de Guy Berger, le pouvoir n’est pas comme un ballon que l’on perd lorsqu’on le passe, ni comme un camembert dont la part de chacun diminue selon le nombre de convives…
Cette année, la DHG a été largement rejetée, et le chef d’établissement renvoyé à ses études. Et maintenant ?