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De tous les côtés de l’écran

J’aime bien travailler sur le cinéma en histoire des arts car cela permet une approche croisée entre ma propre discipline et la musique, le français ou les langues vivantes. Travailler avec d’autres disciplines est fertile, enrichissant et très apprécié par les professeurs et les élèves. Cela me permet en outre de ne faire étudier que certains aspects du film, en particulier le contexte historique, et ainsi d’économiser nos précieuses heures de cours.

Le cinéma est un art connu et facilement abordable par des élèves de collège. Ils possèdent une culture cinématographique, pas la même que la nôtre, hélas. Ces séances permettent de la compléter par des analyses de cadrage, de scènes et de la musique par exemple.

J’approche l’histoire du cinéma, ses ruptures esthétiques par petites touches, par exemple pour l’étude des films de Chaplin, Modern Times (1936) en particulier. On aborde le passage du cinéma muet au parlant, les moyens comiques employés. Mais le travail sur l’esthétique ne relève pas vraiment de ma matière.

En général, j’utilise des extraits d’œuvres de dix à vingt minutes. Ce sont en priorité des documentaires, souvent issus de lesite.tv qui propose des outils pédagogiques intéressants. Mes deux derniers établissements y étaient abonnés. Pour faciliter l’utilisation en classe, j’ai fait installer des vidéoprojecteurs fixes dans nos salles. Rideaux fermés, on se sent vraiment « comme au cinéma ».

En début d’année, je distribue aux élèves de 3e une liste de films de fiction en lien avec le programme d’histoire. On en verra des extraits en cours, pour certains. Pour d’autres, ils peuvent être lus en cours de français. Je ne vérifie jamais s’ils ont été vus. Par contre, on en discute et je mets ma liste à jour en fonction des nouveautés. Mon but reste que ce soit des films faciles à trouver, donc plutôt récents, et facilement abordables pour des adolescents. Cela doit rester du plaisir, c’est aussi un lien entre la maison et l’école. C’est aussi pour cela que ma liste ne contient presque pas de livres.

J’ai commencé à travailler avec et sur le cinéma, grâce à des collègues passionnés par le 7e art. L’une produisait des films avec sa classe et m’a entrainée dans le dispositif « Collège au cinéma ». C’est là que j’ai appris un peu d’analyse filmique et en particulier à ne pas oublier le son derrière l’image. L’autre organisait un petit festival du film d’élèves dans la ville, auquel j’ai participé, en 2004, avec une classe de 4e d’aide et de soutien. C’est une belle aventure humaine qui demande beaucoup d’investissement personnel, des heures dédiées et un soutien « logistique » ou technique. L’écriture du story-board fut un moment long et difficile pour ces élèves. Mais le résultat est intéressant. Nous avons travaillé sur l’ile Seguin, son histoire avec Renault et son côté « maudit ». Nous n’avons pas travaillé sur le jeu d’acteurs, ce qui se voit un peu à l’image. J’ai noué une relation très forte avec cette classe qui s’est beaucoup investie dans le film. Mais leur travail scolaire n’a pas décollé. A nos yeux d’enseignants, cela n’a donc pas été vraiment bénéfique.

Ma dernière expérience forte avec le cinéma date de l’année dernière, où j’ai présenté La vague, un film de Dennis Gansel (2008). L’idée m’a été soufflée par ma collègue germaniste. C’est l’histoire d’une classe de lycéens qui fait l’expérience de l’autocratie (la dictature) avec enthousiasme et où l’enseignant se fait déborder et cela tourne au tragique.

J’ai aimé l’idée de montrer la dictature sous un jour séduisant, actuel et dangereux. J’ai aimé l’effet-miroir de la classe qui regarde fonctionner une autre classe. Je voulais que mes élèves se sentent concernés, impliqués. Au bout d’une heure de film, mes élèves étaient envoutés. Ils voulaient « jouer » comme dans le film. Nous l’avons fait. J’ai un peu joué à l’apprentie sorcière ? Ils ont marché au pas. Ils se sont levés pour prendre la parole. M’ont nommée leadeur. Ont cité les répliques du film.

Mais lorsqu’ils ont vu la suite du film, le jeu a pris fin. Nous avons analysé les personnages et la forme du récit. Repris les rouages de la dictature qui ont été réutilisés avec Staline et Hitler. Nous avons évoqué l’expérience réelle. Ce film a été présenté en histoire des arts par ceux qui le souhaitaient. Sur ce point, j’ai conscience des limites de l’œuvre, plus didactique qu’artistique. Pourtant, je le montrerai à nouveau, tant pis si l’on me traite de démago !

Catherine Rossignol
Professeure d’histoire-géographie en collège à Meudon