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De l’importance de la restauration et de l’architecture scolaires

« Derrière chaque élève se cache un enfant. » C’est cette évidence qui a motivé le travail du Cnesco depuis trois ans sur la qualité de vie à l’école, et en particulier sur la restauration et l’architecture scolaires. Ce travail se traduit par la publication ce mardi 3 octobre des résultats d’une enquête menée auprès d’un échantillon de 3800 établissements, et d’un rapport scientifique dirigé par Agnès Florin et Philippe Guimard, du Centre de recherche en éducation de Nantes (CREN). Nathalie Mons, présidente du Cnesco, souligne que cette thématique était « traitée de manière un peu impressionniste jusque-là », et plus valorisée dans les cultures scolaires anglo-saxonnes que dans l’école française.

Le rapport scientifique présenté par Agnès Florin passe en revue les travaux de recherche internationaux sur le bienêtre à l’école, qui montrent clairement l’existence de liens entre satisfaction de vie et performances scolaires. Et même, « les performances scolaires associées au bienêtre à l’école sont des indicateurs permettant de prédire les parcours scolaires des élèves et notamment le décrochage scolaire ». Une recherche américaine montre aussi que « la bonne qualité du climat scolaire permet d’atténuer l’impact négatif du contexte socioéconomique dans la réussite scolaire ».

Notons que ces aspects de la vie scolaire relèvent de la compétence des collectivités territoriales et non de l’Éducation nationale, même si équipes pédagogiques et administratives sont en première ligne pour l’organisation et ses conséquences sur la vie de l’établissement.

De la « cantoche » au restaurant scolaire

70 % des élèves déjeunent au restaurant scolaire en collège, soit 15 points de plus qu’en 1996. Et 93 % des établissements sont dotés d’un restaurant scolaire dans leurs locaux, les 7 % restant dépendant d’un autre établissement à proximité. Nathalie Mons insiste sur cette « caractéristique française de prendre le temps pour manger un repas chaud, assis, ce qui ne se fait pas dans tous les pays. » Certains sont dominés par la lunchbox, contenant un repas froid fourni par les parents et parfois pris dans la classe.

Globalement, ces restaurants « se sont modernisés, les menus diversifiés, les activités extrascolaires sur la pause méridienne multipliées ». 89 % des établissements (collèges et lycées) sont dotés d’un self-service, 63 % proposent plusieurs plats principaux et les produits frais et locaux sont désormais plus fréquemment utilisés (présents à plus de 25 % des menus, dans plus de la moitié des établissements).

La fréquentation de la restauration scolaire est donc assez forte, mais avec de réelles inégalités sociales dans l’accès, « ce mal français » souligne la présidente du Cnesco. Les élèves d’origine sociale défavorisée déjeunent moins souvent à la cantine que les autres, particulièrement dans l’éducation prioritaire, comme le montre le graphique ci-dessous.

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Agnès Florin évoque plusieurs pistes d’explication, insistant sur leur caractère d’hypothèses. Piste qui peut sembler la plus évidente : le prix des repas facturé aux familles, alors qu’aucune politique tarifaire n’existe dans 55 % des établissements (ceci relevant de la décision des collectivités territoriales). Autre piste évoquée : la proximité entre domicile et établissement, les élèves étant plus souvent scolarisés dans leur secteur, donc non loin de leur domicile, dans les établissements en REP+. Enfin, « les dimensions sociales et culturelles » peuvent aussi jouer un rôle, qu’il s’agisse de la présence des parents au domicile à l’heure du déjeuner ou des régimes alimentaires spécifiques (et pas uniquement pour raisons religieuses).

En écho à ce dernier point, on relèvera que si, comme dit plus haut, 63 % des établissements proposent plusieurs choix de plats principaux, seuls 17 % proposent un plat végétarien spécifique, 89 % proposant une portion plus importante de légumes aux élèves ne consommant ni viande ni poisson, sans apport protéique de substitution. Et de fait, 65 % des chefs d’établissements estiment que la variété des choix des plats est un facteur d’augmentation de la fréquentation de leur restaurant scolaire.

Un environnement propice au travail ?

Les travaux de recherche mettent en évidence que performances et bienêtre scolaires des élèves sont influencés par certaines caractéristiques du bâti scolaire. 72 % des chefs d’établissement interrogés par le Cnesco estiment ainsi que l’aménagement de leur établissement participe à la création d’un environnement propice au travail. Parmi ceux qui ont répondu par la négative, six difficultés principales sont mises en avant, à commencer par l’exiguïté des locaux, mais également l’absence ou le manque d’espaces pour travailler en autonomie (qu’il s’agisse des élèves ou des enseignants), une architecture ou un mobilier inadaptés, des locaux vétustes, un trop grand nombre d’élèves ou un manque de personnel encadrant, ou encore des locaux peu lumineux ou mal isolés phoniquement ou thermiquement (dans l’ordre décroissant).

Ces motifs de mécontentement se retrouvent dans les interpellations des personnels et des élèves ou de leurs parents, mais dans un ordre sensiblement différent. 55 % des chefs d’établissement déclarent ainsi avoir déjà été interpellés sur le bruit, 75 % sur la luminosité ou l’exposition et 92 % sur la température régnant dans les salles.

Bien sûr, le rapport sacrifie au « passage obligé » par les toilettes, « le lieu le plus sensible dans un établissement » selon Philippe Tournier, secrétaire général du SNPDEN, partenaire de l’enquête auprès des chefs d’établissement. Sujets de plainte les plus fréquents : la propreté (44 %, alors que plus de 90 % des établissements procèdent au moins à un nettoyage par jour), l’approvisionnement en produits hygiéniques (62 %), les dégradations (72 %). Philippe Tournier décèle « un problème d’éducation et de rapport à ce lieu chez les élèves et plus largement dans la société française ».

Des progrès à faire

Pour le Cnesco, les espaces scolaires doivent encore être adaptés « aux nouvelles orientations pédagogiques » : travail en autonomie des élèves, pédagogie différenciée, collaboration entre enseignants. Quelques chiffres significatifs : dans 66 % des établissements, aucune salle n’est équipée de mobilier permettant d’en ajuster l’aménagement (tables à roulettes par exemple) et seuls 50 % des établissements disposent d’une salle de réunion pour les enseignants autre que la salle des professeurs ou une salle de classe momentanément disponible.

De même, les établissements sont encore « peu adaptés aux besoins numériques ». Dans 22 % d’entre eux, aucune connexion internet n’est accessible aux élèves, et la salle informatique n’est ouverte aux élèves durant la pause méridienne que dans 39 % d’entre eux.

Enfin, en 2017, les établissements sont encore trop peu accessibles aux personnes en situation de handicap, « malgré la réglementation de 2005 sur l’accessibilité des établissements scolaires », qui donnait un délai de dix ans aux établissements pour présenter un plan de rénovation destiné à les rendre accessibles. Seule la moitié des répondants déclare l’établissement totalement accessible aux personnes à mobilité réduite, 36 % le disent partiellement accessible.

Cécile Blanchard


Pour aller plus loin :

Le dossier sur le site du Cnesco