Il m’a semblé opportun, quelques jours après le drame de Manhattan, de parler de tout cela avec mes élèves de la quatrième dont je suis le professeur principal, en heure de vie de classe. Ils sont en majorité musulmans je pense et, bien sûr, sensibilisés par ces événements (qui ne l’est pas ?).
J’ai surtout voulu qu’ils puissent poser des questions et exprimer ce qu’ils avaient envie de dire. En utilisant d’abord l’écrit, puis en parlant bien à tour de rôle, de façon très organisée. Le dispositif technique protège du débordement des passions, et on voit bien une fois de plus ce qu’apporte la « pédagogie ».
Le but de ce moment d’expression me semblait être l’occasion de rétablir quelques faits et de permettre aux élèves d’aller au-delà d’opinions rapides et peu fondées. Occasion de redire par exemple que les victimes étaient loin d’être toutes américaines (cinquante nationalités), que l’Islam condamnait le meurtre d’innocents, que bien sûr, la compassion devait aussi aller à d’autres victimes innocentes, que (et là c’est aussi le professeur de français, spécialiste des mots, qui parle) l’emploi de certaines expressions telles que « guerre » était douteux et peu pertinent.
En tant que citoyen et être humain, j’ai aussi fait part de mon émotion personnelle ; un prof n’est pas qu’un être de rationalité froide après tout [1].
J’ai été un peu décontenancé par les réactions écrites de certains de mes élèves (« bien fait pour eux »). Mais sans doute ne faut-il pas dramatiser. Les mêmes qui adorent les valeurs américaines (Mac Do et Nike, etc.) aiment aussi à exprimer leur rejet de l’arrogance US. Ni dramatiser, ni éviter d’être vigilant quant aux dérapages (l’Islam contre l’Occident).
Il me semble en tout cas indispensable de pouvoir poursuivre ce dialogue [2] et d’insister sur le côté pacifique, infiniment respectable de l’Islam. C’est la meilleure façon sans doute d’éviter ces dérapages.
Jean-Michel Zakhatchouk, professeur dans un collège de la ZEP de Creil.