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Concertation : fin du premier acte

La concertation pour la refondation de l’école se termine. C’était un exercice inédit, très différent du débat national organisé par la commission dite Thélot en 2003 : les différents ateliers n’ont regroupé que quelques dizaines de personnes déjà très engagées dans les enjeux éducatifs, responsables de syndicats ou d’associations, experts, cadres du ministère. Ce format réduit a permis un travail en profondeur, malgré le court laps de temps. Si les premières réunions ont pu paraitre plombées par de pesantes interventions plus ou moins solennelles, souvent très générales, les débats ont dans l’ensemble peu à peu évolué vers des propositions constructives, prenant en compte les problèmes concrets de l’école. La qualité des débats a été très variable selon les animateurs, leur proximité avec le sujet travaillé. Mais dans un atelier au moins, la maitrise et l’organisation des débats par les animateurs ont été applaudies par les participants. De fait, l’affluence est restée forte, signe de l’implication des participants. L’écoute et la prise en compte des propos ont souvent été la règle. Et les dernières réunions, consacrées à l’étude des propositions ayant émergé des échanges, laissent espérer un rapport consistant sur la situation de l’école actuelle et les marges de manœuvre pour la faire évoluer.

Les défis s’annoncent d’ampleur pour les rapporteurs : comment tisser des interventions souvent marquées par la promotion des intérêts particuliers de l’association ou du syndicat qui s’exprimait, pour parvenir à quelque chose qui relève de l’intérêt général ? Comment collationner des propositions ou des revendications inévitablement éclatées pour tracer des perspectives cohérentes ? Comment prendre en compte des points de vue nécessairement divers, contradictoires même, en ne se laissant pas paralyser par la recherche de vains consensus ? Comment dégager de ces dizaines de réunions des choix de fond susceptibles de donner du contenu à cette « refondation » de l’école ?

Et surtout, comment diffuser la volonté commune apparue à cette échelle pour véritablement impulser des changements pour des centaines de milliers d’acteurs du système éducatif qui n’ont assisté à tout cela que de loin, très loin, aux prises avec le quotidien ? Pour maintes raisons, l’écho de cette démarche de concertation a été faible dans les médias, et même dans les établissements. Les sondages font état d’un scepticisme important de la part des enseignants, confrontés à une rentrée éprouvante.

Les participants à la concertation ne représentaient pas qu’eux-mêmes : ils peuvent être des points d’appui pour expliquer et relayer les choix finaux, à condition qu’ils s’y reconnaissent, au moins en partie, à condition que le ministère prolonge cette concertation par d’autres modalités pour entretenir la dynamique lancée.

La loi qui va être préparée, les textes règlementaires qui suivront devront être à la fois suffisamment forts, consensuels et cohérents pour emporter l’adhésion, mais aussi faire des arbitrages pour entrainer l’école dans une nouvelle voie.

Restera ouverte la question de la mise en œuvre. Le système éducatif a sans doute besoin de signaux forts, et l’idée de « refondation » est ambitieuse. Mais les temps de la concertation, de la décision politique et de la construction effective sont délicats à ajuster. Faire des choix importants pour éviter l’enlisement, prendre le temps de l’élaboration pour éviter la précipitation est un double défi. Ainsi, est-on capable de mettre en place effectivement des « écoles supérieures du professorat et d’éducation » dans toutes les académies dès la rentrée prochaine, en ne se contentant pas de repeindre les masters actuels, de reproduire les schémas insatisfaisants des IUFM, sans obérer la mise en place de véritables écoles professionnelles ?

Des mots à la réalité, il y a tout l’espace d’une politique, il y a toute une hiérarchie administrative qu’il faut mobiliser, toute une culture de l’accompagnement et du soutien des équipes, de l’évaluation des actions entreprises à développer. Il faudra aller à contresens des pratiques du ministère précédent, qui alternait injonctions descendantes, contrôles tatillons et laisser-faire sous prétexte d’autonomie. Les enseignants, tous les personnels de l’éducation nationale, tous les partenaires du monde associatif ont besoin de considération et de confiance là où on ne leur a parlé ces dernières années que d’économies budgétaires, de pilotage par la performance, de gestion managériale.

On peut sans trop s’avancer constater le souhait partagé de rendre l’école moins sélective, moins tournée vers la compétition, assumant mieux ses promesses démocratiques. L’envie est là, espérons qu’elle soit prolongée dans les mois à venir, concrétisée dans des mesures crédibles et audacieuses.

Le bureau du CRAP-Cahiers pédagogiques
le 27 septembre 2012