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Comment faire vivre les valeurs de la République à l’école ?

Riches échanges le 15 mars au lycée d’Alembert à Paris entre des intervenants de qualité, sans langue de bois et discours enflammés sur un sujet où le pathos peut être de mise ! La problématique : comment permettre une vraie appropriation des valeurs républicaines et former les futurs citoyens avait comme point de départ deux publications : le dossier des Cahiers « Former les futurs citoyens » et le livre de Jean-Michel Zakhartchouk, Quelle pédagogie pour transmettre les valeurs de la République ?, présentées au début de la séance.

Bernard Grosjean, directeur de la troupe Entrées de jeu a expliqué comment le dispositif du théâtre-forum permettait aux jeunes de s’exprimer et débattre sur des « questions vives » à partir des scénarios proposés, tels une contestation de cours sur la Shoah ou le refus d’aller à la piscine d’une jeune fille issue de l’immigration (voir notre article à ce sujet). Des jeunes nous remercient car ils trouvent ainsi de manière distanciée de parler de certains sujets qui les concernent.

Benoit Falaize, chercheur et professeur d’Histoire, a accepté une mission ministérielle sur la laïcité, qu’il décrit dans l’ouvrage de Jean-Michel Zakhartchouk. La question pertinente est bien : quelle pédagogie pour faire adhérer vraiment les élèves aux valeurs de la république ? Ce ne peut être l’injonction. Et il faut déjà que les adultes adhèrent : à une école ouverte, inclusive, ce qui n’est pas forcément le cas de tous !

Il s’agit bien de tenir la promesse républicaine. Liberté et égalité sont des principes constitutionnels, des droits. La fraternité est davantage un « devoir »
La République est laïque et sociale et si elle n’est pas sociale elle ne peut pas être laïque. Or, l’égalité sociale fait partie des points noirs de notre société. L’égalité formelle ne vaut pas grand chose si n’est pas portée par l’égalité sociale et par la lutte contre inégale distribution des richesses.

«A propos de la “Grande mobilisation pour les valeurs”, ce n’était pas de l’incantation, la ministre a bien fait son travail. C’est peut-être en période d’urgence qu’in peut faire avancer les choses »

Trois intervenants ont ensuite exposé leur pratique d’enseignante ou de chef d’établissement.

Marion Roche professeure de français en lycée à Aulnay décrit l’expérience qu’on peut retrouver dans le numéro 530 autour d’« ateliers politiques » permettant à des jeunes de BTS de mieux décoder l’actualité ; avec un important travail sur les « théories du complot ». Leurs principales sources d’information sont les réseaux sociaux, un peu BFM et la une du Parisien. Des élèves très rétifs au départ, se sentant peu concernés et peu à peu gagnés par l’envie d’échanger, en se percevant comme capables de le faire.
L’atelier a été monté à la demande de collègues démunis après les attentats et la minute de silence. Le statut de tiers facilite les choses, on ne note pas, les élèves qui ne sont pas les siens. Et il y a un autre enseignant dans la salle qui peut faire un retour.
Mais il est toujours difficile de faire bouger les manières d’appréhender la réalité dans le sens de la complexité !

Catherine Rossignol, professeure d’Histoire et EMC en collège à Meudon, travaille aussi à libérer la parole des élèves, alors même qu’elle était chagrinée qu’après Charlie, trop peu de ses collègues évoquaient ces questions vives avec leurs élèves. Elle a mis en place dans une classe des dispositifs de débat. « Il ne s’agit pas de parler de liberté, mais d’offrir un espace de parole libre, de parler d’égalité, mais de répartir la parole de manière équitable, de parler de fraternité, mais de s’écouter et de s’entraider. »
Les effets ont été bénéfiques pour la classe.

Pascal Thomas, principal à Calais a présenté tout un inventaire d’actions menées dans l’établissement et tous les leviers dont on peut se servir (notamment ceux mis en place dans le cadre de la réforme du collège, en particulier les « parcours », mais aussi le règlement intérieur).

« Quand on donne la parole aux élèves, il ne faut pas s’étonner s’ils mettent le doigt là où ça fait mal. »
Il évoque aussi, dans le contexte local difficile, combien des exemples peuvent être des « leçons de vie » comme c’est le cas avec ces deux élèves réfugiés afghans racontant aux autres leur périple et leur adaptation à la vie française et par ailleurs en plein progrès scolaire…

Deux conditions essentielles pour que tout cèle fonctionne : la bienveillance et l’exemplarité.

Pascal se veut optimiste, lui dont il a bien expliqué en ouverture que l’école de la République lui a apporté beaucoup et ce message il essaie de le transmettre aux enseignants de son collège malgré le discours mortifère souvent dominant.


530-une-200.jpg Voir le sommaire du numéro.