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Codes et usages topographiques au CDI

L’espace CDI a conquis progressivement son autonomie et son identité selon un modèle d’organisation spatiale qui n’est pas sans rappeler celui dont usent avec profit les disciplines économique et géographique : celui du modèle centre périphérie.
D’abord élément périphérique (l’armoire) du Centre du savoir et de l’apprentissage que constitue la classe, l’espace documentaire, après avoir dessiné les contours de son premier territoire (la bibliothèque d’établissement), se trouve dans un rapport inversé à partir des années soixante-dix, en devenant le Centre de Documentation et d’Information (CDI), occupant à ce titre un lieu et une position éminemment symboliques, représentatifs, au moins dans le discours institutionnel, des choix pédagogiques que souhaite mettre en œuvre la Loi d’Orientation de 1989.
Soucieux de défendre et de contribuer à forger un dispositif dont ils ont conscience qu’il est en perpétuel devenir, les documentalistes et leurs interlocuteurs dans l’établissement se sont attachés depuis lors à travailler la dimension territoriale d’un lieu – Qu’est-ce qu’un Centre ?- avec l’hypothèse sous-jacente que de la délimitation spatiale et de l’exploration fonctionnelle d’un lieu découlerait nécessairement une identité professionnelle et pédagogique .
Au cours de ces années de maturation, la réflexion portée sur la notion de Centre, étayée à des degrés divers par l’arrière-plan professionnel, est devenue un outil critique de la validité et de la pertinence d’un type de dispositif pédagogique.
A ce titre, elle a développé un discours traversé par la notion d’espace (s), relayant en cela le questionnement d’une société qui s’interroge sur les accès au savoir, questionnement suscité par le développement croissant des nouvelles technologies. Or, cette notion est toujours donnée comme telle ; n’étant jamais définie ou spécifiée dans le contexte d’usage, elle est en quelque sorte, pour reprendre l’expression de Bachelard « toujours déjà là ».
On assiste en effet depuis une dizaine d’années maintenant dans la littérature sur le CDI à une utilisation récurrente du terme, qui, jouant de multiples glissements sémantiques, se préoccupe aussi bien de décrire un lieu qu’un outil pédagogique, de structurer une situation pédagogique que de différencier des gisements d’information.
Tout se passe donc comme si cette notion d’espace, dans son opacité bienveillante et sa plasticité culturelle, permettait à elle seule de rendre compte de l’observation et de la réflexion pédagogiques dont le CDI est l’enjeu.
Dès lors, la question qui s’impose à nous est la suivante : Pourquoi le discours porté sur le CDI fait-il l’économie d’une réflexion sur l’espace ? Que sous-tend cette « invisibilité de la notion » ? Puisque nous formulons l’hypothèse que la réflexion sur l’espace est porteuse de sens, en quoi cette réflexion contribue-t-elle à questionner le CDI dans ses enjeux et finalités pédagogiques, en quoi intéresse-t-elle précisément le documentaliste dans la fonction qui lui est propre ?

Le CDI : topographies et toponymies

Le premier outil dont on dispose pour circonscrire un espace, la topographie s’élabore dans le cadre du plan et permet d’identifier et de décliner à l’intérieur de ce cadre défini autant de sous-espaces que le système de bordures et de limites choisi permet de délimiter.
Si le cadre global du CDI est une donnée sur laquelle le documentaliste et les équipes pédagogiques ont encore peu d’impact, la topographie du lieu, bien que fortement codée par les pratiques et les usages tant professionnels qu’institutionnels, reste néanmoins un terrain d’investigation et de créativité que le documentaliste peut à des degrés divers s’approprier et investir.
Or on s’aperçoit que la topographie du CDI, héritière en cela de l’histoire culturelle de l’établissement scolaire comme de celle hybride de l’environnement professionnel et pédagogique, est marquée par la permanence, voire la prégnance de topoi , lieux communs censés doter le territoire de repères lisibles et permettre sa distribution voire son parcours.
Ces topoi affectent aussi bien l’espace noyau de CDI que ses espaces annexes. Ils montrent à cet égard un déplacement significatif du modèle centre périphérie à l’intérieur même de l’espace CDI .
Les topoi de l’espace CDI :
– L’accueil : service d’actualités
– La banque de prêt : renseignements, mouvement des documents
– Le coin lecture : espace « réservé à la lecture détente et/ou lecture plaisir »
– La « bibliothèque » : espace délimité par les rayonnages consacrés aux ouvrages de fiction
– La salle de documentation : espace de consultation et de travail consacré au travail documentaire
– Les postes de consultation informatique : stations dédiées à la consultation de ressources électroniques et à la recherche documentaire informatisée (en ligne et hors ligne)
– La salle de travail : espace de travail en autonomie
– La salle audiovisuelle : espace de lecture et de travail sur documents audiovisuels
– La salle informatique : espace de lecture et de travail sur documents électroniquesCes « lieux communs » dont le nombre varie en fonction du type d’établissement, de sa taille et de ses moyens et l’intitulé en fonction de la personnalité et de la formation du documentaliste, constituent à ce jour les invariants de la topographie du CDI. Quelle que soit l’importance accordée à chacun de ces lieux et à leur distribution dans l’espace, ils sont chargés de fournir à l’usager (élève, enseignant, équipe pédagogique…) un code de lecture de l’espace, qui à la fois réactive une expérience vécue personnellement ou professionnellement ailleurs (la bibliothèque municipale, de quartier ; le centre d’information, la salle polyvalente) et incite à de nouveaux parcours de découverte et d’apprentissage.
Ces topoi sont plus ou moins lisibles dans l’espace selon la signalétique adoptée et plus ou moins inscrits dans l’espace et dans les usages en fonction de leur répartition et de la prescription dont ils sont l’objet.
C’est ainsi que le « coin lecture », s’il est rarement désigné par un bandeau signalétique, est en revanche fortement signalé par d’autres indices visuels tels que :
– L’emplacement : un renfoncement ou espace délimité par du mobilier avec effet de disposition – paravents, panneaux, rayonnages… – ou de texture – changement de traitement de sol, par exemple linoléum moquette marquant le seuil symbolique des deux espaces
– Le mobilier : banquettes, coussins, chauffeuses
– La proximité d’un certain type d’objets de lecture : presse, bandes dessinées, albums, livres-cassettes…
Le coin lecture cherche à fonder par ailleurs sa légitimité à travers le discours d’usage du CDI fixant à la fois des droits (l’élève est incité à déterminer l’usage qu’il souhaite faire du CDI) et des règles de fonctionnement (conditions d’utilisation).
Observons un autre espace, celui des collections de fiction parfois nommé « bibliothèque ».
Par-delà une désignation quelque peu désuète, cet espace en général faiblement signalé visuellement dans l’espace (apparemment rien ne distingue spécifiquement cet ensemble des autres rayonnages) va être fortement investi dans les dispositifs de médiation : signalétique interne au rayonnage (rubriques et/ou codages couleur pour spécifier les genres, thèmes, niveaux de lecture…), accompagnement du parcours du lecteur usager, consignes et conseils de lecture, conférant ainsi à l’espace une forte charge symbolique. Désigné par l’usage et la prescription comme lieu ressource et espace d’action spécifique, l’espace acquiert son autonomie et simultanément ses limites.

On pourrait de la même manière décliner chacun de ces topoi et observer pour chacun d’eux des codes de fonctionnement similaires.
Par ailleurs, si la topographie des CDI peut présenter une combinaison plus ou moins explicite de ces topoi, elle les agence généralement selon trois modèles récurrents d’organisation spatiale, qui constituent à leur échelle un nouveau type d’invariants de l’espace CDI :
– Le modèle agrégat : les sous-espaces sont juxtaposés, l’identification des lieux prime sur leur articulation
– Le modèle satellite : les sous-espaces sont polarisés diversement autour d’un noyau, les circulations sont essentiellement d’ordre centrifuge
– Le modèle en réseau : les sous-espaces sont d’importance relativement égale et leur articulation fortement marquée.
Ce double niveau d’invariants témoigne d’une contiguïté forte entre des choix, des valeurs et des représentations de ce qu’est supposé être un espace documentaire. Ils reposent essentiellement sur les idées de :
– Vérité du lieu : à la lisibilité et à l’identité des objets documentaires correspondrait une lisibilité et une identité des espaces les contenant
– Fonctionnalité : à chacune des fonctions identifiées de l’espace CDI correspondrait une type d’espace et d’aménagement approprié
– Imperturbabilité : coïncidence entre les démarches et les outils mis en œuvre
– Complémentarité des espaces : de la distribution claire des espaces du CDI découlerait une appropriation de l’espace documentaire.Pour autant cette répartition instituée des espaces ne souffre-t-elle pas dans la réalité de limites et de contradictions qui tendent à obscurcir le projet documentaire ? La coïncidence supposée entre objets et activités documentaires est-elle effective, les passages entre les espaces sont-ils réellement négociés, quel est le rôle attribué à l’outil dans cette négociation ?
Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons centrer notre réflexion sur la question du déplacement à l’intérieur de l’espace documentaire. En effet, tout déplacement, que celui-ci soit d’ordre physique ou cognitif prend la mesure d’une distance, d’une variation, d’une superposition ou d’un recouvrement non seulement entre des objets de connaissance, mais aussi entre des pratiques, des expériences et des mémoires. Interrogeant la mise en cohérence des dispositifs et des outils, il est susceptible à ce titre, d’interpeller le gestionnaire de l’espace comme le pédagogue sur le sens qu’ils souhaitent donner à leur action.

L’espace matière d’actions et d’échanges

Le CDI en tant qu’espace documentaire est un espace à très forte valeur symbolique puisque c’est un espace d’échanges réels et symboliques structurés autour de la circularité d’information et de connaissance, qui relie par des activités de type cognitif, des personnes, des biens culturels dans un espace-temps donné.
Nous allons essayer de montrer comment les différents types d’échanges qui se déroulent dans le cadre du CDI, que ces échanges soit d’ordre formel ou informel, qu’ils se situent dans des activités d’apprentissage, de loisir ou ludiques, contribuent à faire de cet espace un milieu spécifique où la mise en espace joue un rôle déterminant.
Nous allons voir à travers l’observation de deux types d’interactions entre l’usager et la mise en espace documentaire comment celle-ci peut favoriser l’émergence de sens qui infléchit les parcours comme les projets documentaires de l’usager.
Quand l’usager mesure une distance :
Au cours de son parcours dans le CDI, l’usager peut être amené à découvrir une distance, c’est-à-dire à faire l’expérience d’un écart porteur de sens entre des objets de connaissance.
Si l’on prend pour référence, la séquence d’un parcours type de recherche documentaire dans le CDI, l’élève peut expérimenter cette distance sur un certain nombre de dispositifs :
– À l’espace enclos, circonscrit voire opaque (le Centre, avec ses conditions d’accès, sa réglementation) succède un espace ouvert et lisible (organisation des collections en libre accès, renforcée par la signalétique)
– Au dispositif orienté usager du libre accès destiné à favoriser l’autonomie de l’élève (circulation libre dans les rayonnages, butinage) vient se juxtaposer un dispositif orienté gestionnaire (accès différé à certains documents comme les vidéos ou les cédéroms reposant sur des critères de contrôle ou de rationalisation de stockage qui entraînent un dispositif de stockage par support)
– À la dimension contraignante et restrictive de l’espace (contrôles d’accès divers au CDI, règles de conduite, surveillance, accompagnement) peut coexister dans le même espace-temps l’expérience d’un espace libre et ouvert (peu ou pas de contrôle sur les modalités d’accès à Internet) ; écart qui peut être mesuré dans une situation exactement inverse où l’accès contrôlé sur Internet (recherche documentaire exclusive, filtres, encadrement des recherches notamment par captures de sites…) peut correspondre une occupation floue, non négociée de l’espace
– À la vocation éducative d’un fonds correspondent dans la majorité des CDI deux entités aux territoires fortement marqués voire antagonistes : l’espace regroupant les documentaires (souvent appelé « espace documentaire »), dédié à la recherche documentaire et l’espace regroupant les ouvrages de fiction (parfois appelé « bibliothèque ») consacré à la lecture
– Au caractère fini et stable du fonds physique (constitution du fonds résultant d’un choix et d’un travail documentaire) répond désormais en continu le caractère illimité et fluctuant des ressources en ligne
– Au caractère fini et stable du document physique quel que soit son support (document de nature homogène résultant d’un choix éditorial précis) se juxtapose le caractère ouvert et fluctuant du document sur Internet (document hypermédia en recomposition permanente)
– Au dispositif d’apprentissage encadré de type linéaire reposant sur une appropriation progressive de certains espaces et de certains outils vient s’opposer la liberté de parcours de lecture offerte par les documents multimédias (cédéroms en particulier)
– À un mode de recherche documentaire informatisée privilégié (par exemple en collège le mode simple sur le logiciel documentaire BCDI), est proposé simultanément une recherche de type expert (options ou recherche avancée) sur InternetQuand l’usager mesure une variation :
La fréquentation répétée d’un lieu spécifique, en l’occurrence le CDI entraîne l’élève à réitérer et à renouveler des itinéraires de lecture et de pratiques documentaires. Ces expériences, qu’elles prennent appui sur des parcours libres ou guidés, bien que diversement intégrées, constituent néanmoins pour l’élève le terreau de son savoir en construction et l’incitent à mettre en perspective son regard et son action sur le milieu. Il est alors susceptible au gré des ses déplacements de mesurer une variation, c’est-à-dire de percevoir au-delà de la distinction, du décalage technique ou spatio-temporel une filiation entre :
– Des objets documentaires :
A la matérialité du fonds présent physiquement dans l’espace (les collections) correspond la représentation de ce fonds (la catalogue informatisé) : l’activité lorsqu’elle atteint ses limites (butinage) ou bute sur un obstacle (compréhension du classement), pour se maintenir, se déplace vers d’autres objets documentaires (catalogue informatisé ; plan de classement). Souvent réduits à leur seule valeur d’usage (outil de recherche ou aide de lecture), ces objets sont cependant intégrés dans un parcours qui dans ses aléas mêmes mesure la possibilité d’une continuité entre des éléments d’abord considérés comme distincts parce que dissociés dans l’espace et figés par la technique.
De même, l’offre documentaire trouve aujourd’hui un prolongement, une extension dans l’apport conjoint des ressources en ligne. Que cette articulation entre les gisements d’information soit explicite (ressources documentaires proposant une extension sur Internet par exemple : cédéroms encyclopédiques Encyclopaedia Universalis, Encarta…), médiatisée (intervention du documentaliste) ou laissée à l’appréciation de l’usager, elle peut favoriser dans les parcours de lecture croisée des ressources, l’identification d’un certain nombre de codes informationnels (sélection, tri, classement).
Dans le cadre de la recherche documentaire informatisée, l’élève est désormais amené à manipuler un outil, le formulaire de requête, opérant aussi bien sur les ressources hors ligne (le fonds documentaire) qu’en ligne (Internet). A travers l’utilisation de ces outils est expérimentée la permanence d’un processus de questionnement qui fonde la démarche documentaire : un recherche de type « experte » (BCDI) ou « avancée » (moteur sur Internet) peuvent proposer des masques de saisie variables dans leur organisation, intitulé, densité mais se référant tous néanmoins à la notion de champ interrogeable (champ ouvert ou fermé : index) et de type d’interrogation (gestion des opérateurs, syntaxe).
A ce titre, le transfert d’utilisation d’une notion comme celle d’index opérée d’un document physique (ouvrage) à un document électronique permet de reconnaître au-delà de la variété formelle d’une famille d’objet documentaire, la finalité de cet objet.
De même, s’expérimente aujourd’hui de façon amplifiée avec les ressources électroniques, la valeur extensive de l’unité documentaire : si l’on prend par exemple le quotidien de presse, des activités croisées sur presse traditionnelle et presse en ligne contribuent par l’analyse des recompositions réciproques des espaces de lecture à identifier la dynamique d’un objet culturel.- Des modèles d’organisation de l’information :
Désormais la coexistence des espace physiques et espaces virtuels au CDI, incite l’usager à construire dans un espace-temps donné un rapport flexible entre plusieurs espaces informationnels. A l’observation univoque peu contestée qui pouvait être faite auparavant de l’organisation de l’information (si ce n’est dans un décalage temporel par comparaison avec d’autres espaces documentaires), se substitue un parcours d’échanges entre plusieurs modèles en co-présence. C’est ainsi qu’à une distribution hiérarchisée de l’espace CDI proposant une avancée progressive dans le savoir, allant de l’encyclopédique au spécialisé (topographie régie par l’utilisation d’une classification de type Dewey par exemple) peut être reliée une organisation arborescente de l’information visibles dans la page d’accueil d’un annuaire de recherche de type Yahoo ou dans la page d’accueil de site de type institutionnel (même si ces dernières peuvent de fait revêtir une plus grande complexité de classement).
De même une organisation de l’espace en pôles thématiques (répartition par centres d’intérêt héritée de la pédagogie Freinet) vécue au CDI peut-elle aujourd’hui rencontrer des échos significatifs dans la structure thématique en étoile de sites (notamment de type associatif ou pages personnelles) où l’accent est porté sur la pluralité des entrées dans l’information recherchée.
Si maintenant l’on envisage l’espace de l’unité documentaire (l’article ou l’extrait de monographie imprimés), l’utilisation concomitante du texte imprimé traditionnel avec l’hyperdocument (associant par un système de liens texte image et son sur cédérom ou sur Internet) met en parallèle et en concurrence des parcours de lecture inédits.- Des modes d’accès à l’information :
D’un espace à l’autre, du fonds physique au ressources en ligne, la question des accès n’est jamais neutre. Des contrôles de nature diverse peuvent être installés qui interférent le parcours documentaire de l’usager aussi bien dans l’espace réel que virtuel. La mise en relation de ces procédés de contrôle peut produire un effet de sens sur la pertinence de tels dispositifs : situation de « vigie » du bureau du documentaliste qui contrôle les flux et les mouvements dans l’espace que l’on peut retrouver à l’ouverture d’une page Web par l’obligation de produire un identifiant (remplir un formulaire ou saisir un mot de passe par exemple).
A un autre niveau, mais dans le même ordre d’idées, l’usager peut éprouver dans la façon dont est négocié le passage d’une activité à l’autre, la valeur symbolique attribuée à cette activité : de l’autorisation conditionnelle de l’espace de détente (« coin lecture » pour élèves sages comme jeux récompensant un parcours de recherche sur cédérom) à celle de l’espace de travail (espace autonome pour élèves studieux comme liberté de naviguer sur le Web) c’est l’enjeu pédagogique de l’accès au savoir qui est diversement questionné.
Quelles que soient la nature, les conditions et l’ampleur de ces expériences, qu’elles aient été ponctuelles ou répétées, leur inscription dans l’espace est irréfutable et susceptible à ce titre d’être transférée à d’autres situations d’apprentissage.
Par conséquent le travail de mise en cohérence des dispositifs tant sur le plan local (à l’intérieur de l’espace CDI) que sur le plan transversal (d’un espace à l’autre) forme l’appui indispensable à tout objectif de formation documentaire basé sur la continuité et la progression des apprentissages.
Afin de contribuer à construire cette lisibilité de l’espace, le documentaliste doit pouvoir se donner un cadre de réflexion et d’action qui prenne effectivement en compte la dimension cognitive de l’appropriation de l’espace.
Dès lors trois pistes de travail prenant appui sur l’inscription spatiale de l’activité documentaire peuvent être ouvertes :
– Délimiter un espace ?
Si la bibliothèque est une représentation du monde, le CDI en partie héritier de cette histoire culturelle ne peut se soustraire à la force symbolique d’un modèle éprouvé. Mais sur une carte en grande partie dessinée, les frontières du territoire sont-elles pour autant définitivement fixées et sa géographie connue d’avance ?
– Dénommer un espace ?
Si je ne prétends connaître que ce que je suis en mesure de nommer, en quoi la dénomination de lieux documentaires m’aide-t-elle à construire le sens global de cet espace ?
– Habiter l’espace ?
Au-delà de la fécondité d’une métaphore, le voyage comme expérience documentaire n’est-il prétexte qu’à déplacements, flux d’un point à un autre ? Ou faut-il voir au contraire dans ce nomadisme tempéré une inscription singulière dans l’espace de la connaissance ?

Orientations bibliographiques

AUGE, Marc, Non-lieux : introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris : Seuil, 1992.
HALL, Edward T., Le langage silencieux, Paris : Seuil, 1984. (Points Essais)
MAFFESOLI, Michel, Du nomadisme : vagabondages initiatiques, Paris : LGF, 1997. (LDP Biblio Essais)
MOLES, Abraham, Labyrinthe du vécu : l’espace, matière d’actions, Paris : Librairie des Méridiens, 1982.
« Les topographies du savoir », Bulletin des Bibliothèques de France, 2001, tome 46, n° 1.
CLERC, Françoise, L’espace et le temps scolaires, Cahiers pédagogiques, avril 2000, n° 383, p. 17-18.
MEIRIEU, Philippe, Espace, pouvoir et pédagogie, Cahiers pédagogiques, avril 2000, n° 383, p. 24.

Anne PIPONNIER, Documentaliste formateur, IUFM d’Aquitaine