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Changer de posture pour apprendre

«Le CLIC n’est pas un moment de glorification, mais de réflexion et de partage, où chacun apporte quelque chose, qu’il soit intervenant ou participant», explique en introduction Héloise Dufour, la présidente d’Inversons la classe !, association organisatrice du CLIC (Congrès de la classe inversée) 2018. Il s’agit pour elle durant ce congrès d’ «aider à construire l’école du 21e siècle», dans un esprit d’ouverture à tous, «curieux comme vétérans, chacun doit y trouver de quoi nourrir ses interrogations».

Le rôle de l’enseignant

L’une des question récurrentes de cette journée est celle du rôle de l’enseignant dans sa classe, que Franck Ramus, directeur de recherches au CNRS en Sciences cognitives, reprend d’Eric Mazur, professeur de physique à Harvard et précurseur de la classe inversée. Celui-ci s’est interrogé sur ce que pouvait être la valeur ajoutée d’avoir un enseignant et des élèves dans la même salle de classe, alors que les contenus peuvent être obtenus avec un manuel, un MOOC, des capsules réalisées par d’autres enseignants…

De son côté, Jean-Marc Huart, DGESCO (directeur général de l’enseignement scolaire) du ministère de l’Éducation nationale, a souligné les incidences de la classe inversée sur le rôle de l’enseignant dans sa classe : « les pratiques de classe inversée bouleversent l’unité de temps, l’unité de lieu et l’unité d’action » dans la classe, dit-il. «Il y a notamment un bouleversement de l’unité d’action, avec des moments d’activité des élèves, des questions, de l’interaction, entre eux et avec l’enseignant. Chaque élève est inévitablement en action», observe-t-il. Il rapproche cela de l’apport des outils numériques, sources d’ «une nouvelle organisation du rapport entre l’élève et enseignant», et assure que cela «a une incidence très forte dans la conception des politiques éducatives».

Il poursuit : «les élèves ont besoin de guides dans le monde numérique, qui est un espace infini de savoir mais aussi un lieu où se propagent de fausses nouvelles. Cela oblige à repenser les questions d’éthique, d’accompagnement, de protection. Le numérique et la classe inversée sont des évolutions qui rendent encore plus exigeante la présence de l’enseignant et de l’ensemble de la communauté éducative auprès des élèves.»

Jean-Marc Huart a signalé au détour d’une réponse à une question de la salle qu’un un référentiel de compétences numériques est en préparation pour les élèves, destiné à terme à remplacer le B2I (brevet informatique et internet).

Évaluation des pratiques

Lors de sa conférence intitulée «Quel regard de la psychologie sur la classe inversée ?», Franck Ramus a par ailleurs insisté sur la nécessité d’évaluer la classe inversée, ou plutôt les pratiques pédagogiques précises mises en œuvre, jugeant le concept de classe inversée «beaucoup trop vaste» pour pouvoir être évalué. Une telle évaluation ne saurait à ses yeux être que scientifique, car «l’observateur de ses propres pratiques (l’enseignant) peut se leurrer très profondément, le sujet (les élèves) aussi. Les impressions subjectives sont trompeuses

Franck Ramus au CLIC 2018

Franck Ramus au CLIC 2018

Il défend une méthode expérimentale d’évaluation des pratiques éducatives, l’essai randomisé contrôlé. Cela consiste à mettre en place un pré test avec un groupe-contrôle, les deux groupes étant constitués de manière aléatoire. L’intervention pédagogique se met en place, avec des méthodes différentes dans chacun des deux groupes. Puis on procède à un post test qui permet d’évaluer les effets de chacune des «méthodes».

Enfin, Franck Ramus interpelle les enseignants sur le fait que les résultats de ces évaluations ne sont pas des solutions «clef en main» et les invite réfléchir: «comment utiliser ces résultats pour améliorer les apprentissages, et comment les transmettre aux élèves, pour leur « apprendre à apprendre » ?»

Cécile Blanchard avec Laurence Cohen


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