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CDI : Centre de Développement d’Idées

Le collège de la Chaussonière à Saint-Martin-des-Champs est au confluent des quartiers qui irriguent la ville, entre campagne et cités, accueillant des élèves aux origines diverses, filles et fils d’agriculteurs ou de chômeurs, de cadres moyens ou d’ouvriers. Fred Yvetot aime y travailler, dans ce mélange qui stimule les projets, initiés aussi par le souci d’être attractif. L’autre collège, celui du centre de la ville voisine arbore les signes distinctifs d’un établissement classique et rassurant.
Et dans ce bouillonnement, cette dynamique, l’enseignante documentaliste impulse, relaie, prend part. « Il n’y a pas de vie quotidienne au CDI. Je fais beaucoup de coordination liées aux projets », nous dit-elle. Elle commence sa journée en allumant l’ordinateur et après, tout dépend : d’autres enseignants passeront peut-être pour échanger avec elle, des élèves viendront pendant leurs heures de permanence, des classes suivront des cours, elle-même pourra animer des séquences. La variété des activités et le caractère imprévisible des journées font aussi le charme d’un métier où le dialogue est d’importance. Alors elle a appris à travailler de façon fractionnée pour garder l’équilibre entre le volet « professeure » et le volet « documentaliste ». Au début, elle se situait plus sur le second versant, une démarche empreinte par le gout du livre qui l’avait menée jusque-là. Puis la pédagogie s’est imposée avec la découverte de chemins multiples pour propager le virus de la lecture. « Je me considère maintenant plutôt comme une enseignante que comme une documentaliste ».

Photographie : Blandine Raoul Réa

Photographie : Blandine Raoul Réa


De la 6e à la 3e, de la classe Ulis à l’option Découverte professionnelle trois heures (DP3) et à la Segpa, les projets sont multiples. Fred Yvetot est coprésidente de la minientreprise créée par les DP3. Les élèves choisissent ce qu’ils vont fabriquer et vendre, avec comme contrainte l’utilisation de matériaux recyclés et un prix ne dépassant pas les cinq euros. Cette année, leurs enceintes pour smartphone ont eu beaucoup de succès. Elle les épaule pour le plan de communication et la comptabilité. Avec la classe Ulis, elle a initié une correspondance sur Twitter avec une autre Ulis. Les messages en 140 caractères ont permis de donner de l’aisance avec l’écrit et de changer le regard des autres élèves dans la cour de récréation. Des classes de 3e vont être incrites sur Babélio (et peut-être le Défi Babélio) pour approfondir le travail autour de la lecture. Il y a aussi la rencontre avec des écrivains, le projet théâtre, la liste est longue de ces collaborations approfondies avec d’autres enseignants, d’autres disciplines, reliant les savoirs dans des publications sur supports divers.

Au début, Fred Yvetot n’assurait pas de cours seule et travaillait en tandem avec les enseignants de français. Elle a réussi à convaincre son chef d’établissement de lui accorder un créneau d’une heure par semaine avec les sixièmes. « Je pourrais très bien uniquement travailler avec les profs, mais ce serait très inégal d’une année à l’autre ». Car, ce qu’elle souhaite, c’est que les élèves s’approprient le CDI, s’y sentent bien, fréquentent les rayons pour trouver de quoi nourrir leur curiosité et poursuivent leur quête ailleurs, dans d’autres lieux, à la bibliothèque de leur village ou leur quartier, par exemple.
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Ils apprennent aussi à utiliser un moteur de recherche, décrypter une URL, évaluer la pertinence des réponses obtenues. En 6e, des pages HTML sont conçues en collaboration avec les professeurs d’arts plastiques dans le cadre de l’accompagnement personnalisé. En 3e, un blog entièrement en anglais est réalisé. Avec l’option numérique, les apprentissages vont plus loin. En 5e, ce sont les réseaux sociaux et les publications associées qui sont explorées. En quatrième, les pratiques sont élargies avec des activités de veille sur les métiers du numérique et les jeux sérieux.

En quatre ans, les élèves visitent les différents visages de l’identité numérique et prennent conscience des traces que l’on laisse malgré soi. Mais cela ne concerne qu’une partie des collégiens. Comment les toucher tous, les associer tous si ce n’est en mettant en œuvre un réel enseignement relatif aux médias et à l’information, et en incluant cette éducation au sein même des différentes disciplines ? Les pratiques numériques sont largement diffusées dans le collège mais sans qu’elles soient associées à une dimension éducative propre. «Même si nous travaillons en équipe, j’ai l’impression que cette dimension m’est automatiquement attribuée ». Fred Yvetot explique par le manque de formation cette délégation qui s’apparente quasiment à de l’externalisation. Elle se donne quatre ans pour convaincre ses collègues d’envisager la question ensemble, au sein d’un projet d’établissement. L’ouverture culturelle est de mise alors pourquoi pas l’étendre au numérique ? « Dans notre collège, il y a un sacré mélange, ce qui en fait sa richesse. Certains élèves ne sont jamais allés voir un spectacle ou visiter Caen à une heure d’ici. Heureusement que l’école est là pour découvrir d’autres horizons ».

Dans une profession qui s’invente sans cesse, Fred Yvetot creuse son sillon pour faire du CDI, plus qu’un lieu, une source d’initiatives. « Le CDI a un rôle particulier qui le place au centre de l’établissement » écrit-elle sur la page de présentation destinée aux collégiens. Cette place, dans un début de siècle éducatif chamboulé par le numérique, demeure pourtant encore un rôle à conquérir dans nombre d’établissements scolaires.

Monique Royer

Le CDI du collège La Chaussonnière
http://lachaussonniere.free.fr/CDI/cdidoctravail/CDI.html

Photographies : Blandine Raoul Réa