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Bonnes nouvelles de l’école

Quand un journaliste ne se contente pas d’une enquête superficielle, ou pire de ses préjugés personnels ou de parent d’élève, mais va sur le terrain, sur une période longue, en consultant de nombreuses personnes qualifiées, cela peut donner un ouvrage revigorant, bien documenté, et résolument optimiste. C’est le cas ici. Sans nier toutes les difficultés et obstacles aux innovations, Emmanuel Vaillant nous propose des antidotes aux déclinismes en tous genres, sans craindre les accusations lassantes d’angélisme du bisounours de service, comme on dit stupidement.

Le choix a été fait de n’évoquer que les établissements publics, et d’exclure ceux qui ont un label d’expérimentation pour se concentrer sur les « révolutions minuscules » qui concernent bien plus de lieux qu’on ne croit. Cette règle  n’est pas respectée à 100% puisqu’il est question du collège international de Noisy le grand et du projet du lycée du Bourget, mais ce sont des exceptions. Une trentaine d’établissements ont été visités, des dizaines d’enseignants ou chefs d’établissement ont été interrogés (nous avons pour notre part recommandé quelques-uns à l’auteur et on retrouvera ici ou là des noms familiers aux lecteurs des Cahiers), sans oublier les élèves.

On découvre donc, à travers les sept chapitres, des pratiques, des manières d’organiser la classe, de travailler collectivement, d’aider les élèves à apprendre à apprendre, d’évaluer autrement, parfois sans notes, tout cela donnant une vision dynamique d’une école en mutation. Le sous-titre du livre n’est-il pas : « ces profs qui transforment l’Education nationale et vous ne le savez pas ! ». La méthode du journaliste qui rend son livre vivant s’exprime peut-être dans cette phrase : « Quand je m’installe dans un coin de salle de classe, j’ai souvent en tête cette image du garçon de café. D’un prof à l’autre, j’observe leurs manières de tenir leur classe comme une terrasse. Chacun sa manière, mais tous visent à faire ce que les spécialistes nomment la “pédagogie différenciée”. Pourquoi ne prend-on pas plus au sérieux ce genre de travail que ces témoignages que résume bien Philippe Meirieu dans une sorte de slogan qui leur va si bien “je m’aigris, donc j’existe” » ? Probablement certains dénonceront-ils une vision biaisée, trop optimiste, de visiteur de kolkhozes modèles, et pourtant, la manière dont sont décrites des pratiques que nous connaissons bien, les dénégations d’enseignants modestes, ne voulant surtout pas être modélisateurs, surpris parfois qu’on s’intéresse à eux (« on ne fait rien d’extraordinaire »…), tout cela manifeste une authenticité qui ne trompe pas.

A bien des égards, ce livre entre en écho avec notre récent dossier « Exigeants et bienveillants », deux axes qui se répondent par exemple dans le fonctionnement en cycles de l’école d’Oran impulsé par Véronique Bavière dans un quartier populaire de Paris, dans le travail coopératif au collège Pons de Perpignan ou dans les cours de pédagogues engagés comme Olivier Quinet ou Mickael Bertrand. On retrouve également, illustrés par des exemples pratiques, les débats autour de l’utilisation du numérique, les tentatives d’ouverture sur l’extérieur, en particulier bien sûr les parents (expérience, déjà évoquée ici, de l’école de Trébédan) et de partenariat (Synlab, Savanturiers…)

A la fin de l’ouvrage, tout en évoquant ces expériences « auxquelles vous avez échappées » (« j’aurais pu aussi aller… »), l’auteur pose quelques questions sur l’innovation, telles que « existe-t-il un profil type du prof innovant ? » ou « faut-il forcément innover pour mieux faire apprendre ? » ou encore « tous les élèves ou tous les savoirs, faut-il choisir ? » Sans faire de spoiling, on se doutera un peu que la réponse est la même chaque fois : non ! On est loin des modèles et des « bonnes pratiques », ces tentations qui n’échappent pas à trop de ministres, plus dans le partage et les interrogations. «Ce qui est transposable », dit un principal de collège, « ce n’est pas le dispositif qui s’appuie d’abord sur les ressources et la culture de l’établissement, mais plutôt l’analyse, les constats et la réflexion pédagogique. »

Bref, un livre à conseiller ou offrir à votre beau-frère ou à votre grand-mère qui déplorent que les enfants n’apprennent plus rien à l’école et qui croient à ce qu’ils lisent dans Valeurs actuelles ou Le Point.

Jean-Michel Zakhartchouk