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Battons le fer tant qu’il est chaud

Sera-t-il question de la refondation de l’école dans les réunions de rentrée cette semaine ? Sans doute dans les écoles concernées par la nouvelle organisation du temps scolaire, et probablement pas alors sur un mode enthousiaste, tant cette mise en place paraît compliquée. Sans doute très peu ailleurs, la loi votée en juin dernier n’ayant encore que peu d’incidence dans les établissements, tout comme les recrutements effectués. On entendra peut-être : comme d’habitude, beaucoup de promesses et pas grand-chose derrière. Et il y a certes beaucoup à redire sur l’action du gouvernement en matière d’éducation : la volonté de rétablir une formation des enseignants est louable, mais les équilibres actuels entre les dimensions universitaires et professionnelles, entre formation initiale et continue ne sont pas satisfaisants ; la réforme du temps scolaire aurait dû être à la fois plus globale, portant sur l’ensemble des temps éducatifs sans se réduire à des pinaillages sur des demi-heures, et plus locale en laissant davantage d’autonomie aux acteurs selon les contextes particuliers ; la loi d’orientation aurait pu affirmer bien plus nettement la nécessité d’aller vers une école fondamentale, associant l’école primaire et le collège, autour du socle commun ; et, sur un point plus annexe, mais qui nous concerne, nous aurions souhaité d’autres relations entre le ministère et les associations pédagogiques qu’une énième diminution de subventions annoncée au creux de l’été.

Maintenant, on sait bien que le changement en matière d’éducation est une affaire au long cours. Qu’il soit nécessaire, qui peut le nier ? Ce qu’on sait des résultats des élèves, du creusement des inégalités, de l’ambiance dans bien des établissements, des difficultés professionnelles éprouvées par bien des enseignants ne peut que renforcer la détermination à faire évoluer le système éducatif.

Au-delà des mesures plus ou moins modestes, le gouvernement, y compris récemment le premier ministre, a le mérite de tenir un discours constant en faveur d’une école moins inégalitaire, en insistant sur la place de la pédagogie pour y parvenir. À nous d’exiger que les actes soient en conformité avec les discours, que les moyens soient à la hauteur des ambitions affichées. À nous de nous appuyer sur ces intentions proclamées pour progresser sur l’essentiel : mieux faire apprendre, en particulier les élèves pour qui c’est le plus difficile.

Quel que soit le slogan employé, la «refondation » n’est pas la lubie d’un ministre, c’est une nécessité qui devrait mobiliser tous les professionnels du monde éducatif soucieux des apprentissages de l’ensemble des élèves. Qu’est-ce que chacun peut faire dans ce sens, malgré des moyens toujours insuffisants, malgré une hiérarchie pas toujours à la hauteur, malgré des corporatismes parfois conservateurs, malgré un contexte social qui aggrave les difficultés ? Il n’est pas de sauveur suprême, ni Peillon ni son successeur, mais une administration comme l’éducation nationale, composée de centaines de milliers de professionnels avec d’ores et déjà un haut niveau de formation, dévoués à leur métier, peut beaucoup, doit pouvoir faire beaucoup mieux qu’actuellement.

L’intérêt de continuer à parler de « refondation », c’est d’inviter à changer de perspective, à regarder le fonctionnement de l’école sous un autre jour, à interroger les évidences, les routines, celle des autres, les nôtres aussi. Le gouvernement n’en fait pas assez ? Montrons l’exemple, mettons notre savoir-faire et notre énergie à faire évoluer les fonctionnements, élaborer les meilleures modalités pour que les élèves progressent. C’est le projet d’origine des Cahiers pédagogiques, c’est notre feuille de route pour les mois à venir.

Patrice Bride