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Avec les lycéens, pour la réussite de tous

Les enseignants que nous sommes avons pris acte du fait que, loin de se cantonner à des exigences d’ordre quantitatif, les lycéens ont exprimé des revendications qui concernent le domaine de la pédagogie.

Notre association[[ Le CRAP, Cercle de recherche et d’action pédagogique, qui publie la revue Cahiers pédagogiques. Adresse : 10, rue Chevreul, 75011 Paris]] milite pour que soit donnée la priorité aux plus défavorisés et que soit refusé tout privilège ; elle agit pour promouvoir l’autodétermination collective et individuelle et faire reculer l’autoritarisme à tous les niveaux.
Aussi, nous ne pouvons qu’être d’accord avec les lycéens lorsqu’ils réclament :
le rétablissement des TPE en classe de terminale. Cette innovation pédagogique majeure ayant été supprimée à ce niveau par le ministre au mépris de tous les avis,
un plan pluriannuel de recrutement de personnels enseignants et éducatifs,
une aide d’urgence allouée aux lycées les plus en difficulté,
le retrait du projet de loi sous sa forme actuelle.
Nous comprenons la colère des lycéens devant la réduction des moyens qui va de pair avec celle des impôts sur le revenu et qui est difficilement compatible avec la lutte contre les inégalités. Nous comprenons aussi leur désarroi devant un avenir incertain face auquel le projet de loi ne propose rien qui puisse donner espoir.
Notre mouvement a été, avec d’autres, très engagé pour la défense des TPE (pétition lancée le 24 novembre avec le Café Pédagogique, voir sur notre site). Cette innovation, qui a su vaincre les réticences initiales pour obtenir une adhésion forte des enseignants et des élèves, était et reste pour nous emblématique d’une autre façon d’apprendre, de travailler et d’évaluer au lycée. Sa suppression montre à quel point le ministère fait peu de cas de la réflexion et de la rénovation pédagogiques à l’œuvre sur le terrain comme dans la recherche pédagogique.
Pour ce qui concerne le projet de réforme du bac, nous comprenons la réticence des lycéens à voir changer les règles du jeu, et leur révolte devant des mesures qui pourraient compromettre un minimum d’équité. Nous partageons leur indignation devant les attitudes méprisantes du ministre envers les opposants taxés de conservatisme, et devant les accusations de « manipulation » qui n’ont pu que radicaliser les positions des uns et des autres.
Pourtant, il est évident que l’énorme machine qu’est devenu le bac exige une mobilisation excessive de l’institution et entraîne les apprentissages dans le formalisme et le bachotage. Il est donc, en effet, dans la logique du ministère de l’alléger par un « contrôle continu » qui existe déjà pour un certain nombre d’épreuves (l’EPS par exemple) et dans les lycées professionnels[[De même, la sélection pour les classes préparatoires et pour de nombreuses formations, hormis pour l’entrée à l’université, se fait sur dossier, à partir notamment des notes obtenues bien avant le baccalauréat qui n’est qu’une confirmation.]].
Mais nous pensons quant à nous que remplacer purement et simplement une partie des épreuves actuelles par un « contrôle continu » reviendrait à transférer sur le travail quotidien le poids de l’évaluation finale, interdirait le droit à l’erreur et ne pourrait qu’aboutir à un bachotage permanent. En revanche, de nouvelles formes d’évaluation qui permettraient de reconnaître davantage les compétences, les savoirs et les savoir-faire éprouvés au cours de l’année donneraient du sens à la formation et modifieraient les pratiques pédagogiques.
Nous estimons donc qu’il serait bon de diminuer le nombre d’épreuves à l’examen national si cela favorisait une évaluation certificative en cours de formation dans l’esprit de ce dont les TPE ont justement donné un exemple convaincant.
Au lieu de cela, la loi encourage le conservatisme et, sous couvert de « liberté pédagogique », prône la liberté de ne rien changer…[[Nous avons été à l’initiative d’un texte cosigné par 13 organisations « Pour la réussite des élèves, faisons avancer l’école » dans lequel il est affirmé (point 5) :
« Repenser le rôle et la place des examens terminaux de manière à alléger leur influence sur l’ensemble de la scolarité, sans remettre pour autant en cause leur caractère national. On doit faire preuve d’imagination dans les évolutions nécessaires des modalités d’évaluation de certification : amélioration des épreuves terminales, recours dans certains cas aux unités capitalisables ou au contrôle en cours de formation. »]]
Ainsi, avec d’autres organisations, nous critiquons sur le fond le projet de loi d’orientation, qui, à bien des égards, est un retour en arrière fort peu « réformiste », et nous refusons en même temps le maintien du simple statu quo.
Oui, il faut faire évoluer la loi d’orientation, mais surtout faire avancer l’école dans le sens de la réussite de tous.

Le bureau du CRAP