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Avec le CECRL, où en est l’enseignement des langues vivantes à la rentrée 2009 ?

La France « peut mieux faire » en langues vivantes, tout le monde s’accorde à le dire. Et les directives officielles ne manquent pas de nous le rappeler. Quelques dates : c’est en 2002 que le niveau « voisin du niveau A1 » du CECRL s’inscrit explicitement dans un programme de langue étrangère à l’école élémentaire. Un plan de rénovation pour l’enseignement des langues appuyé sur le CECRL date de 2005. Il a, entre autres, réduit les effectifs dans les classes terminales des lycées. La circulaire de la rentrée 2009 place l’objectif « d’améliorer la pratique des langues vivantes », pilier du socle commun, en deuxième priorité. Le récent rapport Descoings sur le lycée préconise des épreuves orales au baccalauréat « en harmonie avec le socle européen de compétence et en lien avec une pratique pédagogique qui veut davantage mettre l’accent sur l’oral ».
Le CECRL pourrait-il être l’outil d’une amélioration de l’apprentissage des langues vivantes en France ? Qu’il ait été craint, jeté aux orties, regardé de loin ou porté aux nues dans les premiers temps, ce cadre semble incontournable aujourd’hui.

Du côté de l’apprentissage

C’est aux compétences orales que le CECRL accorde la plus grande importance. On ne peut que s’en réjouir, même si redéfinir l’apprentissage des langues comme « l’acquisition des compétences langagières » ne garantit rien en soi. On peut craindre un découpage peu pertinent en microcompétences étalonnées, alors que, nous le savons bien, la pratique d’une langue est un ensemble complexe… S’il est l’un de nos outils possibles pour comprendre comment une langue s’apprend, les progrès des neurosciences ouvrent bien d’autres perspectives à ne pas négliger, sans parler des mille facettes, sociales et individuelles, de la question de la motivation. Le rapport Descoings développe l’idée de favoriser les voyages pour les élèves et multiplier les échanges : ce ne sera pas non plus ni magique, ni démocratique sans notre vigilance. Bref, du côté de l’apprentissage, continuons à chercher.

Du côté de l’évaluation

Les essais pour faire entrer dans nos écoles le principe de la validation positive des compétences, prôné par le CECRL, n’ont pas été sans tiraillements. Quelques exemples : les difficultés de mise en œuvre de la certification A2 au niveau du collège, comme les explique remarquablement Christian Puren[[Voir « A2, B1 qui sera coulé ? », Christian Puren, ainsi que l’analyse de Valentine Sanchez dans notre hors-série numérique.]] ; ou encore le choix contestable de passer par un évaluateur privé dans les classes européennes de lycée général et dans les lycées professionnels[[Voir le trio d’articles sur cette question dans le hors-série numérique : Richard Comerford, Anthony Harvey, directeur de Cambridge Esol en France, et Biliana Dimic.]] ; la refonte incomplète des épreuves du baccalauréat STG, prototype qui paraît abandonné en cours de route. En quelques mots : à côté des écrits de juin, le bac STG a fait une place à l’expression orale, organisée depuis quelques années en contrôle continu, avec des grilles d’évaluation qui donnent deux niveaux de validation possibles. Ces niveaux sont, pour le moment, traduits en notes sur 20, mais visiblement prévus pour être transposables en niveaux du CECRL. Et pourtant, l’épreuve de compréhension orale qui paraissait prévue dans la même lignée n’a pas été reconduite après une année de test.
Les objectifs évaluatifs à atteindre n’ont pas clairement changé à ce jour, sauf à l’université ou dans certaines écoles pilotes. Davantage de lisibilité et de cohérence semblent indispensables pour que les professionnels du terrain puissent adapter leurs pratiques.

Du côté des pratiques

Il est normal que l’inquiétude domine : faute de cadre cohérent, faute de formation suffisante et sans poursuite du mouvement vers une réduction des effectifs en classe, comment oser la « perspective actionnelle » proposée par le CECRL ? Comment en faire plus qu’une autre « mode » susceptible de passer ? Au-delà des mots et des rêves, les réflexions tant théoriques que pratiques que Maria-Alice Médioni et moi-même avons pu recueillir en 2008-2009 et que nous vous proposons en lecture dans ce hors-série numérique sont la preuve d’un grand bouillonnement d’idées. Ce sont ces idées qui peuvent nous faire avancer, et le CECRL peut alors devenir ce cadre qui autorise les enseignants à prendre des risques et à essayer du nouveau, dans toutes les langues, pour tous nos élèves.

Sylvie Abdelgaber, professeur d’anglais au lycée Corot (Savigny-sur-Orge, Essonne).