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Au-delà des modes, les enjeux

En janvier 2014, les Cahiers ont publié un premier dossier sur les tâches complexes. Il montrait à la fois la richesse de cette façon de travailler, ses déclinaisons possibles à divers niveaux, dans des disciplines variées, et les points de vigilance à surveiller. Quatre ans plus tard, nous reprenons l’enquête en mettant nos pas, comme pour le dossier précédent, sur la piste des apprentissages, car c’est bien ce qui nous intéresse.

La diffusion des idées, en tout cas en pédagogie, se fait souvent par épisodes d’engouement pour de nouvelles pratiques, suivis de périodes d’apparente bouderie envers ce qu’on a adoré. Puis vient, heureusement, le temps des analyses plus rigoureuses, du tri entre les enthousiasmes parfois un peu prématurés, avec leurs dérives, et les réelles avancées à promouvoir.

En matière de tâches complexes, nous sommes au milieu du gué : une constellation d’appellations (situations complexes, situations problèmes, problèmes ouverts, etc.) et un foisonnement de contenus et de pratiques. Dans la ligne éditoriale des Cahiers, nous proposons de tenter un pas de plus vers la clarté cognitive en donnant la parole à des chercheurs et à des praticiens à tous les niveaux du système scolaire. Seul ce dialogue entre les classes et les recherches peut permettre d’avancer, entre questionnements et modestes conquêtes.

Car bien des questions se posent, voire des soupçons, utiles s’ils amènent à reprendre la réflexion avec lucidité. Par exemple, croire aux bienfaits de la complexité n’amène-t-il pas les enseignants à élaborer de lourds dispositifs où se diluent les apprentissages visés ? Garde-t-on le cap sur ce que les élèves apprennent, ou sur la réalisation de la tâche ? L’activité des élèves est-elle garante de leurs acquisitions ? D’ailleurs, qu’évalue-t-on à la fin, et comment ?

Pour regarder à la loupe ces questions, nous avons sollicité de nombreux collègues pour qu’ils témoignent de leurs pratiques et nous les remercions ici vivement : avec autant de modestie que de courage, ils exposent ce qu’ils font, leurs avancées et leurs interrogations. De leur côté, des chercheurs mettent en lumière les enjeux d’apprentissage qui, seuls, justifient l’énergie dépensée.

Dans un premier temps, nous proposons de désembuer les vitres pour améliorer notre perception du paysage, affiner notre vision du simple et du complexe et même l’étendre à l’horizon. Nous allons ensuite dans des classes, de la maternelle au lycée professionnel en passant par la formation d’enseignants, pour comprendre ce que les élèves apprennent grâce aux tâches complexes, et ce que cela suppose comme travail pour l’enseignant. On verra, ce faisant, que les diverses disciplines s’approprient la tâche complexe chacune à leur manière, ce qui est rassurant : nulle méthode magique universelle, ici ! Enfin, question récurrente : sur quels points être vigilants pour que ces façons de travailler profitent vraiment à tous, et spécialement aux élèves les moins à l’aise avec les apprentissages ?

En relecture du dossier, Lucie Mottier-Lopez nous aide à y voir plus clair sur les apports et les questions qui se dégagent de ce vaste ensemble.

Les tâches complexes sont désormais préconisées partout, des pages issues du ministère aux blogs des enseignants qui partagent leur créativité pédagogique. On pourrait ironiser sur cette mode, nous préférons en retenir l’idée forte de l’implication des élèves dans une recherche, une résolution d’énigme, l’avancée d’une controverse, des confrontations avec leurs pairs autour de procédures et de solutions pour un problème posé. Pas à tout moment des apprentissages, bien sûr, mais régulièrement. Nous espérons que le présent dossier aidera à poursuivre dans cette voie avec autant d’énergie que de rigueur.

Christophe Blanc
Chercheur au laboratoire EDA de l’université Paris-Descartes

Florence Castincaud
Professeure de français en collège