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Au cœur d’un projet photo

Une opportunité de concours photographique sur l’habitat[[Concours photographique 2020 « Habitats d’ici » organisé par le CAUE du Gard (Conseil architecture urbanisme environnement du département du Gard) pendant l’année scolaire 2019-2020.]] proposé à l’une de mes deux classes de 2de, l’année dernière, est à l’origine de cette modeste expérience sur l’attention, transférable auprès de chacun de nous avec peu de moyens.

Ainsi, dès le départ, début octobre, de façon étonnante, le groupe classe s’emballe pour participer au concours alors même que ce projet, comme tout projet, comporte des contraintes. La réponse aux questions individuelles et les désirs de faire, d’apprendre plus en photographie, de concourir, nourrissent les perspectives de préparation.

Ma trentaine d’élèves décide du calendrier de travail. Tout le monde est d’accord pour alterner des étapes individuelles (prises de vue hors du lycée) avec des étapes collectives (retours sur les photos en classe). Chacun sait qu’il a droit à l’erreur et que le débat fera partie des moments de préparation. Chacun a compris qu’il s’engage à faire réussir la classe même si les photos sélectionnées sont celles d’un autre élève. Mais on a peu de temps, peu de moyens.

Faire, en restant concentré sur la tâche

Être attentif aux consignes de préparation, de production est une exigence acceptée par les élèves désireux de faire autrement de la géographie et de l’EMC (enseignement moral et civique)[[Articulation de l’EMC (les libertés, la liberté au fondement de notre démocratie libérale) et de la géographie (les défis du monde en transition).]]. Ce rapport autre au travail soutient, me semble-t-il, le choix unanime de devoir être ouvert à l’espace vécu, aux autres aussi, et à penser. Un des premiers effets se traduit par l’engagement de cet ensemble d’élèves fort hétérogène

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Soirée d’été à Alès

La motivation collective et individuelle fait qu’à chacune des étapes de travail en classe l’attention est mobilisée. Les éparpillements sont contenus. Le responsable de chaque microatelier veille à la régulation de son groupe, à l’indispensable focalisation sur la consigne à faire. De mon côté, je veille à adapter les postures d’étayage en fonction des besoins exprimés par les groupes de travail. Un effort est réalisé pour dépasser tant bien que mal son égo et établir une relation interpersonnelle dans les microateliers de travail tout comme dans le collectif classe au moment des débats.

La démarche est-elle lourde ? D’abord, il s’agit de former les élèves, en microateliers de travail, à la lecture d’images et à la pratique photographique pendant le cours d’EMC en classe entière. Aucun partenaire n’est associé à l’action. Les prises de vue autonomes se font sur le temps libre des élèves avec leur téléphone portable. Les ateliers de travail se reconstituent librement pour le choix des photographies à présenter et la réflexion argumentée sur leur sens. Au nom de la classe, quatre clichés légendés sont à présenter au concours.

Objectif

Aussi les groupes se centrent-ils sur les choix de clichés et leurs textes. Le débat sur le choix de ces clichés dotés de sens anime la classe. Avec une régularité étonnante, la classe garde les yeux sur l’objectif final : fournir les quatre meilleures photos accompagnées du texte le plus pertinent possible. La volonté de gagner au concours gagne du terrain.

Les activités de groupe sur le message photographique plongent dans le travail des capacités. Essentiellement, sont mobilisées celles du travail coopératif et collaboratif, l’implication dans un travail d’équipe et un projet de classe, l’argumentation en oral et en écrit, la considération des autres.

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Le port et la station balnéaire du Grau du Roi

L’effet d’attention dans ce concours se traduit par une bonne ambiance de classe, porteuse dans les cours jusqu’au confinement. Les focalisations menées en classe contribuent globalement à améliorer l’attention dans les cours, à pratiquer couramment du travail d’équipe, à devenir plus attentif aux consignes. Réfléchir sur les façons d’habiter, de dire et de montrer la diversité tout simplement humaine du territoire habité facilite la prise en compte humaine, sociétale, dans mes cours de géographie.

Et au-delà, la réussite au concours maintient une bonne relation avec les élèves, même s’ils ne sont plus dans mes classes. Une photographie reçoit le prix lycée, les trois autres figurent aussi dans le livret du CAUE (conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) édité pour ce concours et l’exposition itinérante.

Deux mots clés rassemblent ce qu’a apporté l’attention dans l’action : concentration et partage.

Monique Rieutord
Enseignante en histoire-géographie-EMC au lycée Hemingway (Nimes) et formatrice académique