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Après une si longue absence

Nous ne serons pas comme ces absents de longue durée empêchés de venir à l’école, au collège, au lycée alors que le travail de la classe et l’avancée des apprentissages se poursuivent et qui essaient, tant bien que mal, de récupérer les cours, de faire les devoirs. Nous serons comme si nous avions tous été privés de ce que nous apporte l’école, de l’instruction mais aussi de la relation, de la relation d’humains à humains sans le filtre, l’intermédiaire d’une machine ou d’un écran.

Bien sûr, il y aura le plaisir de se retrouver, mais nous ne pourrons pas faire comme si tout reprenait au point où nous l’avons laissé.

Il nous faudra reconstruire ce lien humain, prendre le temps de nous écouter les uns les autres, d’écouter le récit de notre expérience du confinement. Certains élèves, certains enseignants ou personnels des établissements, auront peut-être vécu des choses lourdes dans ce huis clos. Il faudra certainement du temps pour les laisser émerger en eux, pour qu’ils puissent les déposer en une parole, ou d’une autre façon. Il nous faudra, à nous éducateurs, être attentifs à tout ce qui se dira en parole et aussi à ce qui se dira autrement dans les relations, dans les jeux, les attitudes.

Rassurer, rattacher, autoriser

Il nous faudra rassurer, déculpabiliser notamment ceux et celles qui, déjà fragiles dans l’investissement des activités scolaires en temps normal, n’auront pas trouvé le soutien nécessaire en eux-mêmes ou dans leur entourage pour rester dans une position d’élève.

Il faudra prendre le temps de rattacher tout le monde avant de pouvoir repartir vers de nouveaux apprentissages.

Il faudra avoir le courage de refuser de « rattraper le temps perdu » et résister à la tentation de l’emballement jusqu’à la fin de l’année pour « boucler le programme ».

Il faudra pouvoir s’autoriser à prendre le temps de vérifier que nos élèves n’ont rien perdu dans ce laps de temps des apprentissages qu’ils avaient construits avant.

Les mécanismes de compétition exacerbés par cet isolement du groupe, il faudra arriver à les sublimer dans la réinstallation de coopérations.

Il nous faudra surtout, je crois, être bien humbles, chacun à son niveau, rappelant que cette période entre parenthèses fut pour tous une expérience nouvelle donc déroutante, fragilisante pour beaucoup quel que soit le côté du bureau où l’on se trouve.

J’ai dit « il faudra », mais je commence par m’appliquer à moi-même la modestie de mon propos en le remplaçant par « il faudrait ».

Pascal Gentil
Instituteur spécialisé, maitre E en Rased à Meaux (Seine-et-Marne)