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Apprendre les maths, à quoi ça sert ? Mathématiques et enseignement au fil de l’histoire

Dans un court volume, dont le titre banal traduit mal l’intérêt, l’originalité de l’approche des auteurs est de resituer chaque chapitre dans une rapide mais riche genèse des pratiques actuelles à partir de l’histoire de l’enseignement des mathématiques, depuis le début du XIXe siècle le plus souvent. L’ouvrage est court, rigoureux, remarquablement clair, argumenté et nuancé.

Nos idées reçues sur des questions attendues sont bousculées : dans les chapitres consacrés aux finalités de l’enseignement des mathématiques, ou au rôle de « sélection » qui leur est attribué, dans l’évocation des débats autour des « maths modernes » ou la prétendue désaffection des jeunes pour les études scientifiques, l’analyse fine et profonde contribue à nous rendre moins naïfs sur les problèmes actuels de l’enseignement des maths. Dans les développements historiques, on comprend bien la lenteur de la progression de la place faite aux sciences face aux « humanités » dans l’enseignement secondaire, et le rôle des grandes écoles et d’abord Polytechnique qui ont marqué dès l’origine les conceptions et les pratiques en ce qui concerne l’enseignement des mathématiques ; un seul regret : l’absence d’éléments quantifiés qui rappellent aux lecteurs d’aujourd’hui le petit nombre d’élèves du secondaire et du supérieur concernés par ces enseignements, au XIXe, mais encore jusqu’aux années 60 et 70 du XXe siècle.

La description des contenus enseignés, rarement abordée ailleurs, réussit à expliquer les évolutions récentes sans être obscure pour les non-spécialistes. Le dernier chapitre est plus original encore : on y trouve abordée la question « Comment apprend-on les maths ? », et évoquée la place de la démonstration, du déductif, de l’approche concrète dans cet enseignement, et même l’évolution des objets qui servent d’outils pour apprendre, et dont les changements considérables ont révolutionné l’enseignement depuis 30 ans. Les auteurs abordent aussi les évolutions du travail attendu de l’élève « de la répétition de la leçon à la situation problème », et la nécessaire place à donner à « l’exercice » : « faire des mathématiques implique aussi un exercice au sens premier du terme ».

Ce livre devrait être utile à tout lecteur, un peu curieux de comprendre comment on peut expliquer, au-delà des idées toutes faites, les difficultés de l’enseignement des maths d’aujourd’hui, dont les caractéristiques sont liées à toute une histoire. Les jeunes enseignants de mathématiques y trouveront des éléments pour prendre un peu de distance par rapport à leur formation et mieux comprendre d’où viennent les maths qu’ils enseignent. Enfin, même si la place de l’école élémentaire peut y sembler un peu moins visible, il devrait aussi éclairer les professeurs des écoles sur les finalités de l’enseignement des mathématiques et les évolutions des contenus enseignés.

Françoise Colsaet