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Apprendre ensemble en EPS

Apprendre ensemble ne signifie pas uniquement apprendre en groupe. Ensemble veut parfois dire à deux ou par classe entière. Suivant l’objet d’apprentissage, la situation, mais aussi le domaine d’action travaillé en EPS, l’élève peut être athlète, entraîneur (manager), arbitre, chronométreur…
Apprendre ensemble, c’est aussi réfléchir ensemble sur les activités travaillées, c’est-à-dire mettre en commun ses conceptions du jeu, élaborer des stratégies, comprendre ses réussites et ses échecs;

Le monitorat

Le monitorat est une pratique pédagogique qui donne des rôles aux élèves. Ces derniers se substituent au professeur pour devenir moniteurs et apprenants. Le moniteur est comme un professeur particulier qui prend en charge un apprenant Le moniteur est là pour « enseigner » des compétences qu’il a déjà acquises ,pour conseiller,profiter de sa place d’observateur extérieur pour « rétroagir » à propos des actions de l’élève. Le moniteur est donc un observateur privilégié qui pourra exercer plusieurs fonctions : observer, corriger, démontrer, expliquer.
Différentes raisons peuvent justifier cette démarche. Dans une classe, certains élèves sont plus à l’aise en EPS de façon générale ou spécialistes d’une discipline car ils la pratiquent en dehors de l’école. Cependant ces éventualités ne sont pas des exigences, la simple position d’observateur extérieur suffit à justifier la fonction de moniteur, car l’élève qui agit n’ a qu’ un point de vue subjectif de sa pratique. Le moniteur en position légitime pour conseiller l’élève,utilisera pour cela des critères d’évaluation prédéfinis par le maître ou par le groupe-classe.

Le double effet du monitorat

Pour les élèves les résultats sont visibles plus rapidement que dans une situation classique, étant donné le nombre élevé de rétroactions des moniteurs, et donc les modifications comportementales des apprenants. Les élèves développent leur sens des responsabilités et comprennent mieux le processus d’apprentissage en EPS.
Quant aux moniteurs ils progressent sur le plan cognitif. En effet, d’une part, le moniteur est en position de médiateur, il doit donc reformuler ses connaissances, les organiser d’une nouvelle façon, en saisir la structure et chercher des illustrations. D’autre part, en observant l’apprenant en situation, il sera peut-être amené à mieux comprendre sa propre méthode et à l’améliorer. La position du moniteur est aussi propice au travail sur la timidité, la patience, l’échange, le respect, l’ouverture… et donc sur sa maturité

Le monitorat ponctuel

Le professeur veut faire travailler ses élèves dans le domaine d’activités d’opposition, en faisant du combat au sol. Le principal exercice de la séance est le suivant :
– Les élèves se mettent par deux. Deux équipes vont s’installer sur chaque aire de combat
– Chaque combattant va devoir affronter un combattant adverse.
– Durant chaque combat, un joueur est désigné comme étant attaquant, et l’autre comme étant défenseur. L’attaquant doit retourner son adversaire et le maintenir sur le dos cinq secondes. Le temps est limité à deux minutes. A chaque fois que l’attaquant réussit une attaque, il obtient un point.
– Ensuite, le second joueur de l’équipe se bat contre le second adversaire selon les mêmes règles. Puis, deux nouveaux combats ont lieu en inversant les rôles. En fin de compte, chaque élève aura fait deux combats
Lorsqu’un combat a lieu, les deux élèves qui ne participent pas ont plusieurs fonctions :

  • Ils arbitrent : compter par exemple les cinq secondes d’immobilisation, pénaliser les infractions… leur présence est indispensable au bon déroulement du combat car ils sont garants du respect des règles.
  • Ils aident à l’organisation pratique du combat : pousser les tapis si ceux-ci s’écartent, arrêtent le match s’il y a un danger potentiel…
  • Ils sont « manager » : ils conseillent leurs coéquipiers, leur donnent des astuces ; c’est en ce sens qu’ils ont une fonction de moniteur. Leur vision globale leur permet de conseiller le combattant qui ne se voit pas.
    Dans cette activité, le monitorat se fait de façon ponctuelle, c’est le point de vue extérieur du sujet observant qui justifie sa position de moniteur. On peut cependant imaginer que quelques élèves soient moniteur « à temps plein », par exemple s’ils font du judo en club en dehors de l’école. En les nommant « capitaines » ils auront le statut de conseiller, de « coach », d’expert.

Le travail de groupe : mise en conflit socio-cognitif

Le travail de groupe est à différencier du travail en groupe . Dans le travail de groupe, la tâche ne peut être réalisée que par la coopération, notamment par le conflit socio-cognitif (dépassement des contradictions pour arriver à une réponse commune). Le travail en groupe consiste à faire travailler des élèves ensemble sur des tâches réalisables individuellement.
C’est ici l’apport de la psychologie sociale qui justifie cette pratique. Par la discussion et l’échange de points de vue divergents et surtout incompatibles, les élèves vont devoir trouver une solution originale pour dépasser le problème. Ils vont construire une nouvelle représentation ou des règles d’actions par eux-mêmes, par un conflit socio-cognitif. Cette construction d’un savoir (ou savoir-faire) nouveau n’aurait pas eu lieu sans ce conflit.

L’enseignement par questionnement

Au lieu de formuler les consignes relatives à une tâche, l’enseignant va proposer un problème aux élèves. Ce problème, posé sous forme d’une ou plusieurs questions, guide l’activité des élèves vers la résolution, qui correspond au but visé.
Dans le cas de l’enseignement à partir de questions, les élèves sont souvent invités à réfléchir de façon collective : par groupes ou avec la classe entière.
Le professeur souhaite faire une séance dans le domaine d’opposition collective sur la progression du ballon vers la cible. Il choisit comme support un jeu dérivé du basket-ball. Les élèves sont au nombre de vingt L’enseignant forme quatre groupes de cinq élèves. La situation considérée est la suivante :
– Un groupe par panier
– Le professeur pose la question dés le début de l’exercice : « Comment faut-il faire pour s’approcher du panier ? »
– Trois élèves sont attaquants et se placent au milieu du terrain avec un ballon. Deux élèves se placent en défense.
– Les attaquants doivent progresser avec des passes pour aller marquer un panier (le dribble est interdit, le porteur de balle devient alors statique).
– Après chaque série d’attaques, les élèves effectuent une rotation de façon à ce que chacun passe en attaque et en défense. Une fois les attaques terminées, le petit groupe d’élèves se rassemble au milieu du terrain.
– Dés que les élèves sont regroupés, le professeur repose la même question. Les élèves sont alors invités à exprimer ce qu’ils ont observé ou mis en place durant l’exercice. Une fois les grandes règles découvertes (se démarquer en allant vers le panier, chercher le joueur libre…), on refait l’exercice plusieurs fois.
– Durant l’exercice, les élèves ont la mission d’être particulièrement attentifs à un aspect du jeu. Ils vont devoir mobiliser toute leur capacité d’observation afin de faire émerger un principe fondamental du basket-ball
Les propositions de résultats sont soumises à des pairs et au professeur. Va alors s’instaurer une discussion ou un débat pour sélectionner les réponses appropriées. Les élèves vont devoir s’exposer et communiquer clairement pour bien faire passer leur message (voire pour convaincre l’assemblée). Ce sont des compétences de la langue et de l’éducation civique.
Notons que l’enseignement par questionnement est également possible individuellement ou en grand groupe mais la constitution de groupes de 4 à 6 élèves favorise les échanges et permet un temps de parole pour chacun. C’est dans cette configuration que l’on a le plus de chance de voir naître un conflit socio-cognitif.

Travailler en groupe : sans conflit socio-cognitif

Précédemment, le travail en groupe a été défini comme une situation mettant les élèves en activité à plusieurs sur des tâches individuelles ne nécessitant pas d’être en groupe. Cependant, cette situation particulière n’est pas à rejeter car elle permet de travailler des compétences transversales, en plus des compétences spécifiques à l’EPS travaillées dans la tâche individuelle.
Apprendre en groupe est avant tout un prétexte pour mettre les élèves en situation de communication. L’objectif secondaire est donc le maniement de la langue

L’enseignement par ateliers

Dans l’enseignement par ateliers, les activités sont réparties par stations à travers lesquelles les élèves vont effectuer une rotation tout au long de la séance. Pour travailler les compétences transversales souhaitées, le professeur va organiser la façon dont il va faire passer les consignes. Les élèves se mettent au travail en autonomie. Tous les ateliers ont un objectif commun.
Le professeur a décidé de faire travailler les élèves dans le domaine « réaliser une performance mesurée ». l’objectif de la séance est la construction de l’attitude de course dans le but d’une prise d’élan et d’un saut. On peut alors décomposer l’ensemble des compétences nécessaires en stations de travail.
Chaque station propose un exercice dont les consignes sont affichées sur un mur du gymnase. Le professeur fait trois groupes, qui tourneront quand les élèves auront atteint les critères de réussites que l’enseignant ou les élèves ont définis
Dans un premier temps, un capitaine va être désigné dans chaque groupe. Ce dernier va aller lire la consigne sur la fiche. Il va ensuite revenir dans son groupe et donner les informations à ses camarades pour qu’ils effectuent le travail demandé.
Dans un second temps, les élèves vont changer d’atelier. Un second élève sera désigné pour rester dans la station afin de donner la consigne aux nouveaux arrivants. Une fois la consigne comprise par ces derniers, l’élève pourra réintégrer son groupe où tout le monde se chargera de l’aider à comprendre l’exercice du nouvel atelier.
Trois capitaines auront donc la responsabilité d’expliquer un atelier à leurs camarades sur l’ensemble de cette séance. On veillera à ce que chaque élève ait été capitaine une ou plusieurs fois sur la totalité de l’unité d’apprentissage.
La principale interaction dans cet exercice est d’ordre communicationnel. L’élève qui fait ponctuellement office de capitaine a la charge de lire la consigne de l’atelier puis de revenir au sein du groupe pour l’expliquer à ses camarades Afin d’enrichir la tâche, le professeur peut exiger du premier capitaine qu’il explique avec ses « propres mots », pour éviter que celui-ci ne récite la consigne sans l’avoir comprise.
Apprendre ensemble en EPS n’est pas dénué d’intérêt, au contraire. Les différentes modalités d’apprentissage social se justifient par des objectifs variés mais complémentaires.

Il est à noter que de telles mises en œuvres ne sont pas courantes. Peu d’enseignants travaillent l’EPS sous cet angle. Cette discipline fondamentale est trop souvent appréhendée à partir d’un enseignement actif ancré dans la tradition d’un enseignement transmissif.
Or, comme le soulignait Roger Cousinet : « Pour l’instituteur ou le professeur qui veulent s’engager dans une rénovation pédagogique, le premier objectif est de briser le fonctionnement impositif et abstrait du cours magistral, pour mettre les élèves en situation d’agir et d’opérer eux-mêmes leurs propres découvertes. »

Olivier Dupin ,Professeur d’EPS


Bibliographie

FINKELSZTEIN (Diane), Le monitorat : s’entraider pour réussir, 1994, Hachette livre, Paris, 160 p., ISBN 2-01-011264-9.
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MEIRIEU (Philippe), Itinéraire des pédagogies de groupe – Apprendre en groupe 1, 6ème édition, Lyon, Chronique Sociale, 1996 (6ème édition), ISBN 2-85008-252-X.
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MINISTERE DE L’EDUCATION NATIONALE, Qu’apprend-on à l’école élémentaire – Les nouveaux programmes, 2002, CNDP, XO Editions, 288 p., ISBN éd. XO Editions 2-84563-104-9.
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PERRET-CLERMONT (Anne-Nelly), La construction de l’intelligence dans l’interaction sociale, Peter Lang, 1996, ISBN 3-906754-54-5.
RAYNAL (Françoise), RIEUNIER (Alain), Pédagogie : Dictionnaire des concepts clés, ESF éditeurs, Paris, collection Pédagogies, 1997, ISBN 2-7101-1211-6.
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WINNYKAMEN (Fayda), Apprendre en imitant ?, 1990, PUF, Paris, 362 p., ISBN 2-13-043009-0.
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XYPAS (Constantin), Piaget et l’éducation, Paris, PUF, 1997, ISBN 2-13-048808-0.
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