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« Apprendre en apprenant »

Philippe Ibars ressemble à ces conteurs qui attirent et captivent, et pas seulement les plus jeunes. On n’a pas de peine à imaginer son talent, qu’il maitrise bien à l’écrit, se prolonger en classe. Mais ce n’est pourtant pas lui-même qu’il met en scène, ou alors parfois seulement pour se moquer un peu d’être tombé dans des panneaux. Non, les acteurs principaux sont bien ses élèves. Il sait les observer, et surprendre en plein vol une inspiration, un bon mot, une fulgurance. Et on les devine devenir plus forts de ce regard posé sur eux.

Pourtant, Philippe Ibars dit aussi avoir appris au fil de sa carrière à mieux les aider, en redevenant un jour élève, élève en parapente : « Les moniteurs m’ont appris ce que je ne faisais pas suffisamment avec mes élèves, moi, à cause de mon éducation, à cause de ma vie d’écolier, de collégien : ils m’ont appris à toujours valoriser l’autre, toujours l’encourager. Ils savaient bien que, lorsque le stagiaire est suspendu dans les nues, il n’y a qu’une manière de le faire progresser, et c’est de l’encourager, de lui montrer qu’il peut, qu’il en a les moyens et qu’il va y arriver. Et qu’il va réussir. »

Les réussites des élèves dans lesquels on aurait pu ne plus croire, ces réussites qui germent et fleurissent jusque dans le jardin de l’enseignant, voilà ce que Philippe Ibars a cherché à nous décrire à chaque chapitre de ce livre. On y découvre les élèves en classe, en voyage, en sortie scolaire. Ils surprennent de finesse ou d’à-propos tout à coup, devant un chantier, une œuvre d’art, un match de foot à la télé ou dans un théâtre, et s’en retrouvent tout surpris, tout grandis : « J’ai appris qu’il suffit parfois d’un déclic, d’un regard différent, d’une main sur l’épaule, d’une autre manière de leur parler pour que la machine s’ébranle et reparte en avant. Mes élèves m’ont appris qu’on trouve toujours en eux, si l’on se donne la peine de bien chercher, au moins une poignée de bon terreau dans lequel on pourra faire germer ce qui sera leur réussite. »

Philippe Ibars a-t-il eu raison de croire en la poignée de terreau ? Ses élèves et anciens élèves, qu’en pensent-ils ? Nous avons demandé à certains d’entre eux quel avait été leur parcours, ce qu’était pour eux un bon enseignant et ce qui les avait le plus aidés lorsqu’ils étaient élèves.

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Myriam a eu Philippe Ibars de 1986 à 1990. Elle a fait un CAP-BEP en communication administration secrétariat et services commerciaux et trouvé du travail dès sa sortie de lycée. « Depuis, j’ai bien roulé ma bosse, de petites entreprises à grosses boîtes nationales, j’ai un bon niveau de bac + 4 à force d’expérience dans le domaine ! Qui l’aurait cru à l’époque ? » Myriam se souvient que Philippe Ibars était toujours en mouvement et dans l’actualité, « à vouloir nous faire découvrir des nouveautés. Il a été là quand j’en ai eu besoin aussi. Il m’a toujours donné espoir dans ce que je faisais. » Pour Manon et Lara, un bon professeur, c’est un professeur passionné par son métier, à tel point qu’il passionne, mais c’est aussi quelqu’un qui, pour Nina, « ne se contente pas d’enseigner les programmes de l’éducation nationale : il va plus loin et s’adapte à notre façon d’apprendre pour que l’on puisse réussir ensemble. » Et Manon de préciser : « Monsieur Ibars, il triche avec l’histoire des points forts et des points d’efforts : au lieu de nous dire nos points faibles, il ne montre que l’optimisme. Avec un prof comme ça, on se rassure sur l’avenir, on n’a plus peur et on avance. » Nathalie se souvient de l’intérêt que son enseignant portait à chacun de ses élèves, et il lui en est resté quelque chose : « J’ai toujours pensé qu’ il m’avait donné plus de confiance en moi. » C’est aussi ce qui reste à Zahia, qui a aujourd’hui 44 ans : « J’étais une enfant en échec scolaire suite à des problèmes familiaux et, grâce à des enseignants comme monsieur Ibars, j’ai repris confiance en moi dans mon parcours scolaire et professionnel. J’ai aujourd’hui un master alors que j’étais à l’époque dans une voie de garage… Ce qui a joué le plus ? Avoir encouragé mes qualités et pas focalisé sur mes échecs. »

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L’attention portée à chacun, Philippe Ibars précise que c’est une affaire d’équipe : « Chaque année, avec mes collègues, nous prenons le temps de nous entretenir avec chaque élève. Nous lui demandons de se décrire, de parler de sa vie, de ses études, librement, simplement, de ses projets, de ses talents, nous lui demandons s’il a des questions à nous poser, et pour finir qu’il se définisse avec un seul mot. Ce qui vaut d’avoir été fait, c’est l’accompagnement, le temps d’une formation. » Mais attention, ni leaders, ni meneurs d’hommes, ni gourous, pour lui les enseignants sont aux côtés des élèves : « Nous essayons d’éclairer la route, pas de la tracer, et de leur montrer des portes qu’ils ouvriront ou n’ouvriront pas. »

Christine Vallin

Le livre de Philippe Ibars « Apprendre en apprenant ou les ailes de Bonaparte »