Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

Apprendre avec les technologies

Ce nouveau volume de la collection « Apprendre », comme les précédents, confie à des spécialistes universitaires le soin de synthétiser et de mettre à la disposition des praticiens un état des connaissances dans un domaine. C’est ici la question des environnements informatisés d’apprentissage qui est l’objet du propos.
Dix-sept contributeurs, principalement francophones, ont fourni des articles brefs, trop brefs peut-être, mais qui ont pour premier mérite de montrer des lignes de force de la recherche ; ils permettent ainsi au lecteur d’avoir une position de surplomb et de comprendre les enjeux et les soubassements théoriques des pratiques, et aussi de s’initier à l’ingénierie de la formation. Ces synthèses sont référées à quelques ouvrages essentiels, et constituent ainsi un guide efficace pour ceux qui veulent se donner une culture dans un domaine au croisement de plusieurs disciplines : les sciences de l’information, les sciences de l’éducation, la psychologie des apprentissages, la didactique, l’informatique…
Nous ne tenterons pas de donner une idée complète du contenu de l’ouvrage, dont chaque chapitre demanderait un compte-rendu. Nous nous contenterons, modestement, de quelques aperçus.
Ceux qui voudraient trouver ici l’écho des vieilles controverses sur l’efficacité comparée d’un enseignement avec et sans technologie seront déçus. Daniel Perraya l’annonce dès le premier chapitre : les chercheurs ont renoncé depuis longtemps à ce type de débat pour s’intéresser à des objets d’apprentissage, des systèmes, des scénarios particuliers. Pascal Marquet l’affirme lui aussi d’une autre façon : avec les Technologies de l’information et de la communication, on ne peut pas enseigner les mêmes choses ni de la même manière que sans les TIC. Débat d’autant plus vain que, comme le montre Claire Bélisle en faisant l’histoire des usages des TIC dans l’éducation, ces usages se sont inscrits dans des perspectives pédagogiques très différentes : « Ces usages vont, selon leur promoteur, se révéler très proches des méthodes actives favorisant l’implication et l’autonomie de l’apprenant, ou très en phase avec les méthodes d’enseignement programmé d’inspiration béhavioriste, ou très facilitatrices du processus de découverte et de recherche que constitue l’apprentissage dans une perspective constructiviste » (p. 36-37).
Plusieurs concepts sont successivement proposés pour aider à comprendre l’impact des TIC, tantôt du point de vue du développement des pratiques, tantôt du point de vue des processus d’enseignement et d’apprentissage : dispositif (Brigitte Albero), innovation (Christian Depover), système (Jacques Wallet), intentions (Philippe Dessus), conflit instrumental (Pascal Marquet). Dans tous les cas, les auteurs, de manière plus ou moins explicite, se démarquent des approches technocentrées. Ainsi, affirme Pascal Marquet, dès lors que les dispositifs numériques sont décrits comme mettant en jeu trois artéfacts, didactique, pédagogique, technique, et les processus d’apprentissage comme la transformation pour soi-même des artéfacts en instruments, « les difficultés pour l’usager ne sont pas forcément des difficultés techniques, que l’on a tendance à toujours invoquer en premier. Il peut aussi s’agir de difficultés dont l’origine est davantage pédagogique, c’est-à-dire qu’elles se situent dans la mise en scène du savoir visé, à moins qu’elles ne se situent dans le savoir visé lui-même, conférant à la difficulté un caractère plus didactique. » (p. 128).
Une part importante est accordée, dans l’ouvrage, à l’enseignement à distance. Il est vrai que c’est dans ce secteur que les technologies numériques sont le plus présentes aujourd’hui. Elles y concourent à une industrialisation de la formation. France Henri analyse plusieurs types d’enjeux, économiques (ainsi les arbitrages entre couts et efficacité) et pédagogiques (par exemple la dissociation des rôles entre les concepteurs de formations et les tuteurs des groupes d’étudiants). Le paradigme de référence est celui des apprentissages collaboratifs, où « la construction des connaissances se fait avec les nœuds du réseau qui sont des personnes ou des ressources d’information. L’enjeu réside dans le choix judicieux des nœuds. » (p. 178-179).
Notons enfin la cohérence, soulignée par Nathalie Deschryver, entre formations en ligne, conception « ouverte » des apprentissages et logique des compétences, caractérisée par la mobilisation des acquis « dans le monde » : le Web se prête aux démarches actives de recherche et à l’autoformation.

Jacques Crinon