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Apprendre avec le numérique

À l’heure où nous saisissons notre clavier pour rédiger l’ouverture de ce dossier, deux enseignants discutent avec excitation via Twitter d’un possible échange entre leurs classes. Les idées fusent : « Les CM1 essaieront de leur répondre en anglais », « Et si mes 5e expliquaient à tes CM1 comment utiliser l’impératif en anglais ?  » On voit là en un instant le potentiel des outils numériques, dont les enseignants, forts de leurs compétences professionnelles, s’emparent parfois avec enthousiasme. Nous l’avions déjà constaté dans le dossier n° 482, « Le web 2.0 et l’école ». Mais ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est de montrer qu’il ne s’agit pas seulement d’utiliser les outils d’aujourd’hui pour motiver les élèves, mais de le faire surtout pour améliorer l’enseignement.

Il n’y a pas de jour sans qu’un colloque ou une manifestation n’aborde la question du numérique et de l’école. C’est vrai, les enseignants qui s’aventurent dans le numérique avec leurs élèves avancent en terre inconnue et ont besoin de savoir s’ils font bien leur métier, si leur instinct professionnel les mène vers une amélioration des apprentissages ou s’ils se sont laissé éblouir par la nouveauté. Mais aucun livre de sciences de l’éducation ne propose un organigramme qui permettrait de décider quel outil utiliser dans quelle situation d’apprentissage. Comme nous le rappelle Michel Serres, le monde change, nos élèves changent et les outils sont en perpétuelle construction.

Les articles de ce dossier montrent qu’il est nécessaire de porter un regard réflexif sur ces pratiques, un regard collectif pour analyser ce qui se passe au sein d’une classe lorsque l’enseignant y intègre de nouveaux outils. De l’intérêt d’ouvrir la porte de sa classe, au travers des blogs et des réseaux sociaux, et de s’intéresser à l’humain dans son entier et non seulement aux couleurs de son cerveau. Dans ce dossier, nous avons reçu de nombreuses propositions évoquant l’utilisation de Twitter en classe. Surprenant qu’un seul outil suscite autant d’envie chez les enseignants de communiquer sur ses pratiques. Peut-être parce que Twitter est un outil simple, sans cahier des charges pédagogique, peut-être aussi parce qu’il ouvre par nature la classe au regard des autres.

Peu à peu cependant, d’autres articles sont arrivés, mettant en évidence une des principales conséquences de l’utilisation en classe des technologies : elle introduit une autre façon d’entrer dans les apprentissages. Avec le numérique, c’est la pensée complexe, chère à Edgar Morin, qui entre dans la classe. Une forme d’enseignement qui considère le monde dans sa globalité, qui met l’élève en autonomie et en interaction pour établir des relations entre les connaissances, entre l’école et le monde, qui le responsabilise face à ses apprentissages.

L’autre conséquence, c’est le changement de posture pédagogique induit par les technologies, et surement aussi par ces démarches centrées sur l’élève : introduire un ordinateur, une tablette, un téléphone dans la démarche pédagogique, c’est déjà accepter de ne plus être le détenteur du savoir absolu, mais plutôt un guide, un adjuvant, celui aussi qui institutionnalise les savoirs. Cela ne simplifie pas la tâche, mais la rend plus riche, plus variée. Plus en accord avec son temps aussi, car introduire les technologies, c’est utiliser les outils d’aujourd’hui et rendre les élèves capables de se saisir des outils de demain, avec conscience, compétence et esprit critique.