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«Apprendre à “voir” la tâche côté élèves»

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Quels définition ou contour de la tâche complexe dessine votre dossier?

Florence Castincaud : Les tâches complexes sont diversement pensées selon les disciplines mais leur point commun est de fonctionner sur la prise d’initiative des élèves, sur les parcours et choix divers qu’ils vont faire pour arriver au but. Ce but lui-même, autrement dit la « production » attendue, peut comporter une part de choix. Les tâches complexes sont également intimement liées à la notion de compétences : leur but est d’entrainer les élèves à mettre en œuvre plusieurs compétences, en puisant dans les ressources engrangées auparavant en classe.

Christophe Blanc : Comme annoncé dans notre avant-propos, l’idée de foisonnement de contenus et de pratiques, mais aussi de représentations, émerge clairement. Il ressort du dossier l’idée que les tâches complexes visent l’implication des élèves dans des tâches scolaires avec une préoccupation affirmée des enseignants. Pour le sens des tâches qu’ils donnent à faire à leurs élèves. Ils essayent de leur conférer une dimension socioculturelle : par exemple commenter une œuvre d’art ou concevoir une présentation du collège pour d’autres élèves. Le produit de l’activité des élèves a donc une finalité sociale autre que simplement le cahier ou la note (c’est-à-dire la satisfaction de l’enseignant) et ils coopèrent souvent.

Les tâches complexes s’insèrent dans une temporalité longue et visent la responsabilisation des élèves. Les modalités de mises en œuvres reposent sur des leviers bien connus : pratiques de projet particulièrement, démarche de résolution de problème. Nous avons tenté de mettre en avant l’idée qu’au cœur des tâches complexes se pose la question de la problématisation et l’idée que la tâche n’est pas complexe en soi. Lire une phrase est une tâche complexe car cela nécessite que l’on mobilise un ensemble de ressources intégrées mais elle n’est pas d’égale difficulté suivant les élèves, elle n’engage pas la même activité pour chaque élève. Le contexte de réalisation de la tâche intervient lui aussi : certaines tâches peuvent paraître d’emblée très complexes et difficiles mais s’il y a pu avoir un apprentissage de la tâche en classe, les choses sont un peu différentes,

Qu’est-ce que les élèves apprennent en réalisant une tâche complexe? Est-ce la même chose à tous les niveaux de la scolarité?

F. C. : Avec de l’entrainement, car cela ne se fait pas tout seul, les élèves apprennent à se confronter à la nouveauté, et, pour mener à bien leur tâche, à utiliser de façon autonome (au moins en partie) les savoirs et savoir-faire qui ont fait l’objet d’apprentissages précédents. C’est possible de la maternelle a l’université, comme le montrent les exemples du dossier.

C. B. : Est-ce la même chose à tous les niveaux de la scolarité ? Je dirais que non : le premier degré est plus familier de l’idée de projet me semble-t-il, ce qui s’explique aussi par le fait que les enseignants voient plus leurs élèves ; mais paradoxalement, je dirais aussi que oui : la question du sens, de la recherche d’implication des élèves se pose aussi bien avec les plus petits que les plus grands.

Les Cahiers pédagogiques avaient publié un précédent dossier sur ce thème. Qu’y a-t-il de nouveau ? Est-ce que quelque chose vous a marqués ou surpris dans ce dossier ?

F. C. : Ce dossier reflète a la fois les avancées et tâtonnements des collègues, en particulier du côté des aides à apporter à certains élèves et de leur calibrage pour qu’elles ne réduisent pas à rien la complexité qui est au cœur des apprentissages visés. Nous avons souhaité aussi proposer des apports de chercheurs qui nous évitent les fausses pistes ou aveuglements.

Je retiens en particulier le risque de mettre en route des « usines a gaz » en pensant faire du complexe, alors que la complexité peut se trouver dans une consigne apparemment simple mais où l’enseignant n’a pas vu quelle interprétation l’élève allait en faire. Il est important que les enseignants apprennent à « voir » la tâche côté élèves, à comprendre la perception qu’ils en ont.

C. B. : Ce qui marque ? Sans doute que ce n’est pas une question simple mais qu’elle a le mérite de questionner le couple pédagogie/didactique. En tout cas c’était un bien beau chantier que ce dossier pas simple !

Propos recueillis par Cécile Blanchard

Vidéo de présentation du numéro :