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Adieu samedi matin, je t’aimais bien

On peut comprendre, sans apprécier pour autant, l’abandon du samedi matin victime de l’évolution des pratiques sociales. Première d’entre elles, la semaine des trente-cinq heures, dont on célèbre discrètement le dixième anniversaire, lui a porté un coup décisif. Parmi les parents d’élèves de mon école, nombreux sont ceux qui terminent leur semaine le vendredi midi tandis que d’autres, coût du transport et éloignement rural aidant, concentrent leurs horaires sur les quatre premiers jours de la semaine. Le décalage est alors important avec le samedi midi scolaire. Autre phénomène en pleine expansion, l’éclatement de la famille qui a pour conséquence d’expédier les enfants le week-end chez l’autre parent. Enfin, ajoutons que dans le bassin de recrutement du collège, comme du lycée dont dépend ma commune, les écoles maternelles et élémentaires sont les seules à travailler le samedi matin. Le collège place, depuis belle lurette, ses heures de cours sur quatre jours, parfois aux dépens de la pause méridienne réduite à une petite heure. Quant au lycée, sous prétexte d’internat et d’élèves domiciliés dans
les îles (Noirmoutier et Yeu) il ferme le vendredi à 17 heures mais compense en faisant travailler le mercredi jusqu’à une heure de plus en plus avancée (15 voire 16 heures). Ainsi dans une même fratrie, seuls les plus petits se lèvent le samedi matin, les grands restent au lit. Position difficile à tenir très longtemps.

Il n’empêche, qu’une fois encore, on réforme en fonction des adultes en se fichant pas mal des besoins physiologiques des enfants. Les chronobiologistes, François Testu le premier, qui ont publié leurs recherches sur les répercussions de la semaine de quatre jours dans les départements où elle se pratique depuis plus de dix ans, hurlent au scandale. La trop grande coupure du week-end lorsque l’enfant est livré à lui-même sans pratiques sportives, culturelles et même familiales réellement structurantes, annonce des lundis de reprise particulièrement difficiles. Pourtant un concentré de quatre jours de travail ne devrait pas autoriser à en gâcher un seul.

Ce que je regretterai dans le samedi matin, puisque désormais son abolition pour la rentrée prochaine est annoncée, c’est sa saveur particulière. Il détonne du vendredi, jour où l’excitation de fin de semaine est au plus haut. Le samedi matin, tout est retombé, sans doute parce que tout se fait plus calmement. Pas de garderie le matin avant la classe, les enfants arrivent tranquillement, très souvent avec les parents que l’on voit davantage ce jour-là. La cantine ne fonctionne pas non plus, tout le périscolaire étant absent, on se retrouve seulement avec l’essentiel. Ainsi la journée n’est pas moitié moins longue que les autres mais bien plus courte encore. Elle n’est pas particulièrement propice aux nouveaux apprentissages (encore que) du fait de son positionnement final sur le cycle hebdomadaire mais elle a (avait) son utilité pour terminer des travaux en cours, faire des retours sur des notions, travailler autrement, reprendre les choses sereinement et finalement engendrer bien des déclics. On se plaît à dire que la journée scolaire française est beaucoup trop chargée ; ce samedi matin, bien qu’un peu court, était sûrement plus proche de la journée idéale que n’importe quel autre jour de la semaine… que l’on va garder et devoir charger encore davantage.