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Philippe Perrenoud a un talent, bien connu de nos lecteurs, pour débusquer les évolutions des systèmes éducatifs. Il leur propose ici un nouveau but : Développer la pratique réflexive dans le métier d’enseignant. De fait, les enseignants réfléchissent déjà tout au long de leur action et leurs formateurs connaissent ou évoquent à tout bout de champ la figure emblématique du praticien réflexif issue des écrits de Donald Schön. Or, c’est là que le bât blesse : comment passer de l’évocation, de la prescription, de l’injonction à la pratique ? Comment développer une posture réflexive chez l’enseignant et chez le formateur ? Bien des éléments du système universitaire incitent à un flou d’autant plus artistique qu’il faudrait le revoir de fond en comble et fonder à nouveaux frais la formation, initiale comme continue. C’est à ce projet ambitieux que nous invite le sociologue du curriculum caché.
Soucieux d’assurer à ses lecteurs une garantie décennale, il développe le propos en une dizaine de chapitres qui partent de la réflexion de l’enseignant dans et sur l’action pour aller jusqu’à la formation des formateurs dans le cadre universitaire et à l’implication critique des enseignants dans le débat sur l’école en passant par ce qui fait l’essentiel de l’ouvrage : déterminer précisément ce qu’est une pratique réflexive (y compris celle qui n’est que rarement étudiée par la recherche, qui se situe hors la classe et l’établissement, au cinéma ou dans sa voiture) et surtout développer les conditions ou dispositifs qui permettront d’en faire un nouvel habitus. Le tout en s’efforçant de ne pas céder au « lyrisme et à l’optimisme des pionniers » (p. 197).
L’évolution envisagée s’appuie sur la professionnalisation des enseignants et, même si les réserves de Raymond Bourdoncle et de Claude Lessard sont connues, évoquées, l’auteur ne les reprend pas à son compte, sans doute pour éviter de déstabiliser les fondations de son ouvrage. Il est vrai qu’aujourd’hui « un professionnel est censé réunir les compétences du concepteur et celles de l’exécutant » (p. 12). Existe-t-il encore un enseignant qui reprenne une fiche de préparation publiée dans une revue pédagogique et l’applique sans la modifier en y trouvant toutes les indications nécessaires ? Hommes politiques et cadres de l’éducation ne cachent plus leur impression persistante d’un bateau ivre qui ne serait plus pilotée que par les seuls enseignants, au gré de leur inspiration. Même si elle a été l’objet d’interprétations fantasmatiques, la prescription n’est plus ce qu’elle était et les derniers avatars des TPE le prouvent : on n’impose plus rien à personne dans le royaume d’éducation. Autrement dit, le roi est nu et l’enseignant dans la classe est appelé à « prendre le contre-pied du métier d’élève qu’il a pratiqué aussi longuement et qui lui a réussi » (p. 20). Comment va-t-il imaginer ses solutions dans un cadre devenu plus indicatif qu’impératif ? Persévérer au premier obstacle et modifier ce qui doit l’être au vu des résultats de son action en s’efforçant de coopérer avec ses collègues dans l’école ou l’établissement ?
Même si elle n’est pas seule à devoir supporter cette mission, la formation va jouer un rôle central dans l’adoption d’une « posture réflexive » (formation initiale) ou dans son développement (formation continue). La tâche n’est pas aisée, car le premier obstacle tient à la représentation de ce qu’est la réflexion. On le sait, tout le monde réfléchit tout le temps. C’est la boutade de Raymond Radiguet : « Depuis 1789, on me force à penser et j’en ai mal à la tête. » Ce n’est pas de cela qu’il s’agit mais d’une attitude qui va à l’encontre de ce que toute personne de métier recherche habituellement : en faire le moins possible tout en obtenant le meilleur résultat possible. Adopter ou essayer d’acquérir une pratique réflexive, c’est agir contre son confort immédiat, déstabiliser des automatismes qu’on a eu le plus grand mal à mettre en place. En quelques pages très claires (37-43) sur les notions de schème et d’habitus, Philippe Perrenoud établit la nature du travail à effectuer, travail sur soi certes, mais travail à effectuer en formation pour que la posture réflexive devienne l’attitude principale dans le travail enseignant. À sa définition, classique et optique, de la réflexion, je confronterai celle que ma culture linguistique me suggère : la ré-flexion ne peut que suivre la flexion. Renverser la référence habituelle des Écoles normales et de leurs classes d’application (on prépare et on exécute, puis on contrôle la conformité) revient à donner le primat à l’action (la flexion, la mise en œuvre du projet, impose la réflexion, l’analyse multiréférencée de ce qui s’est passé et la détermination de futures façons de faire). L’enseignant est un homme d’action réflexive, comme le médecin ou l’ingénieur qui exercent leur talent à partir de la réalité en mobilisant leurs savoirs. « On peut donc souhaiter que la pratique réflexive soit la référence des innovateurs, des formateurs, des auteurs de moyens et de méthodes d’enseignement, des cadres, et qu’on ne perde aucune occasion de la stimuler, en offrant des lieux et des ressources : séminaires d’analyse de pratiques, groupes d’échanges sur les problèmes professionnels, accompagnement de projets, supervision, aide méthodologique » (p. 66). Le souhaiter certes, mais comment y parvenir, notamment par la formation, même si ce n’est pas le seul moyen à mobiliser ?
Première idée : modifier les enchaînements hérités de la pratique et de la recherche didactique. Ainsi, un allongement de la chaîne de la transposition didactique (p. 70 et 74) peut rendre compte de la complexité dont on doit tenir compte dans la conceptualisation de l’enseignement. Seconde idée : recourir à un long entraînement pour aboutir à un savoir-faire (un « savoir y faire ») qui corresponde au comportement souhaité (savoir quand intervenir ou ne pas intervenir en cas de bavardage d’élève, par exemple). Troisième idée : former par la recherche, mais pas la recherche universitaire actuelle figée dans ses jeux et ses enjeux. Philippe Perrenoud décille nos yeux et incite à « favoriser une certaine égalité entre chercheurs et praticiens » (p. 97).
C’est alors que s’impose l’évidence : la démarche clinique devient le principe de référence qui se décline en cinq dispositifs plus ou moins aboutis, plus ou moins mis en œuvre et dont l’auteur ne développera que l’analyse des pratiques et le travail sur l’habitus. L’analyse collective des pratiques (chapitre VI) constitue en effet la modalité la plus connue même si sont évoquées les impasses et les incertitudes du transfert de cette activité réflexive au cœur de l’action, en classe et sous la pression de l’urgence. Moins nourries d’expériences concrètes, les considérations sur le travail sur l’habitus (chapitre VII) ont une vertu plus heuristique. Elles se fondent sur les travaux de Vermersch et explorent la piste d’un « inconscient pratique », difficile à approcher, à concevoir et à modifier ! Sans doute est-ce la raison pour laquelle on aboutit à la piste de l’analyse du travail appliquée à l’enseignement.
La fin de l’ouvrage est consacrée aux conséquences à tirer dans le recrutement et la formation des formateurs (dix défis étudiés dans le chapitre VIII) mais aussi à la mise en relation de l’exercice professionnel et de l’engagement citoyen des enseignants dans le débat sur l’évolution de l’école (chapitre IX) comme « professionnels mettant leur expertise au service du débat sur les politiques d’éducation » (p. 186). Puisse cet appel être entendu en France au moment où de nouvelles élections vont relancer le thème de l’éducation en le simplifiant puisque c’est l’insécurité et la violence qui menacent de devenir l’axe majeur de cet affrontement ! Quelle contribution des enseignants et formateurs réflexifs au nécessaire déplacement du débat vers les véritables enjeux et pistes d’un nouveau progrès de l’école républicaine (le passage de la massification à la démocratisation, c’est-à-dire l’accès de tous au savoir, à la parole et au pouvoir par et dans l’école). Ce projet de société impose de recourir à la complexité dans l’analyse et à la détermination dans la recherche d’un accord sur la politique éducative et le livre de Philippe Perrenoud aura su attirer l’attention sur cette dimension indispensable pour ne pas tourner en rond dans les considérations techniciennes sur la formation.
Quelques lecteurs pourront, encore et toujours, s’étonner de ne trouver aucune indication concrète sur les changements à introduire. Ils n’auront pas compris le sens qui s’est construit dans cet ouvrage : l’ingénierie de formation à la pratique réflexive doit être repensée de fond en comble et ne plus constituer un îlot de liberté battu par les flots de l’évaluation dans un océan de prescriptions, de conseils et recettes. On saura gré à l’auteur d’avoir énoncé les prolégomènes d’un nouveau développement de l’action enseignante fondé sur la réflexion organisée et collective. En tant que militant pédagogique, je serai tenté de demander qu’enfin se développe en France la recherche sur la formation des enseignants, aujourd’hui dispersée entre quelques universités et IUFM et quasi inexistante au sein d’une recherche sur l’éducation qui elle-même ne serait plus réduite à sa portion congrue actuelle (0,37 pour mille du budget de l’Éducation nationale selon Antoine Prost, chargé d’un rapport par le ministre).
Richard Etienne
le 11 avril 2002Pierre Benedetto s’adresse dans cet opuscule aux étudiants en psychologie. Il leur présente une discipline qu’ils ne connaissent pas et qu’ils vont découvrir, pour certains, pendant au moins cinq ans. Ce faisant, il produit une somme que tout enseignant pourra lire avec profit. Passer en revue en quelque cent cinquante pages l’objet et les méthodes de la psychologie, l’aborder sous l’angle du système sujet, faire le point sur son développement cognitif et affectif relèvent de l’exploit impossible ou nécessitent une maîtrise solide de la discipline, ce qui est le cas de l’auteur.
Tour à tour instituteur, conseiller d’orientation, formateur puis enseignant-chercheur, c’est dans ses vies successives que Pierre Benedetto a puisé les ressources nécessaires pour exposer clairement cet état des savoirs et des théories. Quel profit pour un enseignant ? La motivation, ou plutôt son absence, fournit un leitmotiv au monde éducatif. En cinq pages concises sont présentées les deux théories de référence : Maslow et sa pyramide des besoins sur laquelle reposent tous les dossiers de l’Éducation nationale et le modèle plus récent qui fait de la motivation « la résultante de trois variables qui doivent être présentes simultanément » (p. 109). Où trouver ailleurs que dans ce livre des condensés accessibles sur des sujets aussi peu abordables pour le commun des professeurs que les stades piagétiens ou encore les étages du développement libidinal ? La seule critique qu’on pourrait lui faire concerne les ouvrages cités qui ne figurent pas dans la bibliographie comme C. George (p. 39) et trop d’autres.
Pierre Benedetto a su exposer simplement mais sans les trahir les éléments constitutifs d’une discipline ignorée de beaucoup d’enseignants parce qu’encore réservée à l’enseignement supérieur. En visant l’instruction de l’étudiant et du futur enseignant, il réussit à communiquer les éléments essentiels d’une culture psychologique indispensable à tout professeur du premier ou du second degré.
Richard Etienne
Dans son avant-dernière livraison de l’année 2001, la RFP nous propose un intéressant dossier sur la question universitaire abordée ici du point de vue étudiant, sous l’angle de la « vie étudiante » et du « rapport aux études ». Le titre du dossier est particulièrement large. En réalité, l’ensemble des articles rassemblés par P. Rayou traite principalement de la question des premiers cycles - l’un des points sensibles, en effet, mais pas le seul de la question de l’enseignement supérieur aujourd’hui - c’est-à-dire de la question de « l’entrée », en référence, en particulier, au thème de l’affiliation entendue comme accès au « métier d’étudiant » développée par Alain Coulon.
Un article introductif (M.-F. Fave-Bonnet, N. Clerc) propose une périodisation de la recherche sur les quatre dernières décennies : au-delà de la figure aujourd’hui archaïque de « l’héritier », la recherche s’est successivement centrée sur « l’acteur » puis le « système » avant de s’intéresser, dans les années quatre-vingt-dix, au « groupe social » émergent que constitueraient désormais les étudiants. Pourtant l’ensemble des articles qui suivent met à mal cette image d’un groupe homogène et font davantage état d’une grande diversité à différents niveaux.
Deux premiers articles abordent cette diversité sous l’angle des « pratiques d’études ». C. Mérini et M.-G. Séré analysent les effets produits chez les différents acteurs par l’instauration d’un module de « projet professionnel » à destination d’étudiants de premier cycle à Paris-sud XI, du point de vue de l’articulation entre intégration universitaire et orientation professionnelle. M.-P. Trinquier et J. Clanet s’interrogent quant à eux sur la possibilité de retrouver de l’homogénéité derrière l’hétérogénéité manifeste des étudiants quand on rapporte leur degré de réussite (ou d’échec) à la nature de leurs représentations de la formation et à leurs pratiques d’études.
Les trois articles qui suivent évoquent cette même question de la diversification à partir d’une analyse du fonctionnement du système universitaire lui-même. J.-P. Jarousse et C. Michaut soulignent l’extrême variété des modes d’organisation des premiers cycles non seulement d’une filière à l’autre mais aussi d’un site à l’autre pour une même filière et la difficulté à mettre en relation cette diversité avec les variations de réussite des étudiants. L’analyse amène alors à s’interroger sur le caractère véritablement « national » des diplômes délivrés. L’article de G. Felouzis vient renforcer cette interrogation à partir d’une réflexion sur le sens véritable des entreprises de délocalisation universitaire : s’agit-il d’une réelle démocratisation de l’enseignement supérieur ou d’une procédure de relégation ? La réponse n’est pas simple. Tout semble dépendre, en dernier ressort, de la mise en œuvre locale, concrète, de ces politiques publiques de délocalisation. Enfin, d’autres articles apportent un éclairage étranger (Grande-Bretagne et Suisse) sur cette question à partir d’une réflexion sur les stratégies étudiantes en matière de choix d’orientation pour le premier et d’une analyse d’un dispositif visant à mieux articuler secondaire et université pour le second.
Les trois derniers articles s’inscrivent explicitement dans la perspective d’une sociologie de l’expérience étudiante à l’œuvre dans ce processus d’affiliation à l’institution universitaire, garant (relativement) d’une réussite ultérieure. On retiendra en particulier la forte interrogation portée par la contribution de S. Beaud et M. Pialoux sur l’hypocrisie d’un système qui, au prétexte d’un libéralisme institutionnel de circonstance, laisse ces « nouveaux lycéens » que sont les bac pro s’engager dans l’impasse d’une inscription à une université qui n’est nullement prête à les accueillir. R. Boyer, C. Coridian et V. Erlich s’intéressent quant à eux à l’articulation des procédures de socialisation et des processus d’apprentissage chez les étudiants débutants alors que, dans un propos conclusif, M. Altet, M. Fabre et P. Rayou cherchent à repérer dans le travail des acteurs, au quotidien, et à partir de quelques phénomènes paradoxaux, le mouvement de consolidation d’une institution très fragilisée par la « massification ».
Une note de synthèse vient utilement compléter ce dossier tout à fait éclairant dont on peut simplement regretter que, nulle part (pas même dans la note en question), il ne fasse référence à la recherche pourtant « historique » de Michel Verret (Le temps des études) mais qui semble, en définitive, donner quelque crédit à l’hypothèse qu’avançait, voilà quelques années maintenant, Alain Renaut d’une substitution de la « multiversité » à « l’université ».
Roger Monjo
le 11 avril 2002Cet ensemble de contributions, issues du colloque de Saint-Lô de 1996 qui a également débouché sur notre numéro « Du bon usage des manuels » (369), permettra à l’enseignant de français de mieux réfléchir à la place qu’occupe ou peut occuper le manuel dans son enseignement, au moment où, en la matière, simplisme et manichéisme ne sont plus d’actualité. Les manuels sont en effet en pleine mutation et prennent en compte les recherches les plus récentes, tout en subissant la concurrence du photocopiage systématique et demain sans doute des nouvelles technologies. Aussi lira-t-on avec grand intérêt cette série de réflexions et comptes rendus de recherches qui s’articulent en quatre grandes parties : place et fonction du manuel ; usage des manuels et pratiques d’enseignement ; conception des outils d’enseignement et analyse de manuels.
Le livre se termine sur une « interpellation » de Yves Reuter qui pointe les dangers qui guettent tout manuel, même novateur : institutionnalisation de l’innovant, scolarisation du non-scolaire (presse, BD, etc.), transposition dogmatique des théories et illusion applicationniste. En fait, pour lui, le manuel est un révélateur de problèmes et si l’analyse critique est légitime, en retour, les manuels aident également les chercheurs à ouvrir de nouvelles pistes et parfois à repenser les théories.
On a peut-être là un ouvrage de base pour la formation initiale et continue des enseignants de français.
Jean-Michel Zakhartchouk
le 11 avril 2002Didier Gaulbert nous propose le récit d’une année de travail de philosophie dans une terminale d’un lycée de la banlieue d’Amiens, au centre d’une « cité ». Tout récit est porteur d’une analyse qui le fonde et le structure. Ici, cette analyse n’est pas exposée comme une théorie, un cours magistral, elle est laissée à notre appréciation, à notre propre re-création. Didier Gaulbert nous donne des petits événements dans le lien avec les grandes idées : selon la vision du monde que l’on a, la réponse à un élève varie et l’accumulation de toutes ces réponses avec l’état d’esprit qu’elles contiennent à chaque fois, instaure petit à petit cet état d’esprit. Gaulbert ne propose pas de résoudre tous les problèmes, simplement de pratiquer une attitude juste : la recherche permanente de ce que l’on peut faire de plus utile dans la place où l’on est. Il n’a pas l’air d’être capable de douter de l’éducabilité de ses élèves. « Je voyais tous les jours, dans ma classe, des individus que j’essayais de comprendre. »
Le professeur de philo n’a pas facilement la parole dans la classe. Les élèves le charrient constamment. C’est la relation qu’ils ont avec tout le monde et entre eux.
Il considère et observe ses élèves qui « sont loin d’être sots, qui ont une maturité supérieure à la sienne au même âge ». Ils sont dans le présent, seulement dans le présent. Ils savent la vanité des idéaux. « L’extérieur de la cité des Faures exerçait sur eux à la fois fascination et mépris. » (p 49).
Le prof cherche sa place dans le flot de blagues, il prend les interstices qu’il trouve pour renvoyer des questions, créer des occasions de réfléchir : « fournir le maximum d’occasion de penser » (p. 66). C’est à peine s’il arrive à parler vingt minutes dans une heure.
Ses amis lui conseillent d’arrêter de s’entêter. L’autre professeur de philosophie a trouvé la cause (unique) de cet état des choses : « C’est parce que la gauche a trahi ses idéaux et pactisé avec le capitalisme que nous en sommes arrivés là. »
Lui, garde le souci de l’écoute. « Je discutais avec eux après les cours, dans le hall du lycée. Je buvais avec eux une canette de jus d’orange devant le distributeur automatique. » (p 57). Gaulbert « n’est pas comme les autres » (p 29). Quand il rencontre des élèves en ville il leur parle : « Vous êtes cool, m’sieu. Les autres profs y sont pas comme vous. » (p 99).
Gaulbert n’est pas un nouveau théoricien-praticien d’une nouvelle méthode qui porterait son nom. Pas de système. Juste le récit des petites choses que produit une attitude juste : toujours saisir, dans la relation à l’élève, le positif (même dit en verlan) et tâcher de l’amplifier un peu.
Pendant ce temps, les professeurs de philo se mobilisent contre la réforme des programmes, au nom de la liberté philosophique, du renforcement idéologique qu’ils y voient, de la dissertation... « En couplant l’art et le beau, on s’interdit de traiter l’art et la technique, l’art et la société. » (p 97). Comme si les programmes interdisaient de travailler plus que le programme ! « Tout le monde sait bien qu’on ne fait plus de philosophie en classe terminale, sauf dans quelques lycées huppés. Au lieu de se demander quelle est la solution, on veut faire de nous des éducateurs d’éducation civique kantisée. » (p 98). Quel est ce « on » qui ne se demande pas quelle est la solution et propose, à la place de traiter cette question, de transformer les profs de philo en éducateurs d’éducation civique kantisée ?
Gaulbert n’entre pas dans cette appréciation de la réalité. Il se demande comment le centre-ville où il habite et la banlieue peuvent être deux planètes aussi disjointes, étrangères et hostiles l’une à l’autre. Dans la place qu’il occupe, il prend le lien relationnel possible et cherche la réponse dans le questionneur. Sa réussite est modeste, petite en taille ; mais si les autres profs étaient comme lui, ces petits ruisseaux feraient certainement une assez jolie rivière.
Roland Petit
le 11 avril 2002Cet ouvrage poursuit un double objectif : constituer une sorte d’annuaire des innovations, avec de nombreuses fiches sur des pratiques, parfois modestes, parfois plus spectaculaires (ce qui ne signifie pas plus fécondes pour autant) et un outil de réflexion sur ce concept un peu fourre-tout de « innovation ».
Interviewés avec vigueur et à-propos par Pascal Bouchard, plusieurs personnalités donnent leur point de vue : comment ils définissent l’innovation, comment ils se situent par rapport à l’institution, comment l’innovation peut, selon eux, se diffuser (si tant est que cela soit possible et souhaitable). S’expriment ainsi Michèle Amiel (pour qui innover, c’est d’abord réfléchir sur sa pratique), Philippe Meirieu (qui met en garde contre le « délire » de l’individu qui fait un peu n’importe quoi sous le couvert de l’innovation), Gaby Cohn-Bendit (qui montre bien que l’innovation peut tout à fait être au service de la pire idéologie), Henri Pena-Ruiz (un « républicain » évidemment plus que réservé), sans oublier bien sûr Anne-Marie Vaillié, présidente du Conseil national pour la réussite scolaire, Conseil qui a d’ailleurs fourni un travail décisif dans l’élaboration de ce livre. C’est souvent très riche et stimulant. On lira aussi avec bonheur les conclusions de Christophe Marsollier et Françoise Cros.
En ouverture, Jacques George nous propose une utile typologie des innovations, en distinguant l’innovation respiration, l’innovation locale, l’innovation par importation, l’innovation création, l’innovation réforme...
En fin de volume, les mouvements pédagogiques se présentent, dont le CRAP-Cahiers pédagogiques évidemment.
Jean-Michel Zakhartchouk
le 11 avril 2002En cette période préélectorale nous avons interrogé huit candidats à l’élection présidentielle sur leurs positions concernant l’École. Le choix s’est fait après consultation du bureau du CRAP. Les critères qui ont été retenus ont été d’une part que les candidats recueillent un nombre d’intentions de vote qui approche au minimum les 4 % et d’autre part qu’ils appartiennent à l’arc démocratique. Ainsi ont été « sélectionnés » : les candidats déclarés ou « probables » ; Lionel Jospin, Noël Mamère, Robert Hue, Arlette Laguiller, Jean-Pierre Chevènement, Jacques Chirac, Alain Madelin et François Bayrou.
Nous leur avons soumis trois grands thèmes qui nous semblent contenir des enjeux politiques suffisamment forts : la carte scolaire, le « collège pour tous » et la définition du métier d’enseignant, sous la forme de ce Q. sort, auquel nous avons rajouté deux questions ouvertes permettant aux candidats de préciser leurs intentions. L’intégralité des réponses peut être lue sur le site des Cahiers pédagogiques. Voici, ci-dessous le Q. sort proposé (vous pouvez vous y confronter...) et, les réponses et quelques tentatives d’analyse.
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