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À portée de main

Lundi matin en salle des professeurs. Une affiche m’interpelle :

« Projet de classe expérimentale.
À la rentrée prochaine, nous souhaitons constituer une équipe pour mettre en place une classe expérimentale basée sur les principes suivants :
– évaluation des devoirs sur 20 points mélangeant de nombreux critères ; nous pourrions alors faire des moyennes pour pouvoir avoir des avis tranchés sans devoir entrer dans les détails ;
– emploi du temps figé : une heure, une matière, un professeur, une classe uniforme sur toute la semaine ; le même sur l’année scolaire entière ;
– quotas de devoirs maison. Les temps au collège seraient avant tout des moments d’exposition des connaissances, les élèves travailleraient alors chez eux. Si vous êtes intéressé, inscrivez-vous. »

 

J’ouvre mon casier, histoire de voir si tout est bien normal. Au-dessus de la pile mal rangée, un document intitulé « Emploi du temps de la période » : cours disciplinaires le matin, ateliers l’après-midi, travail en commun avec mon collègue de technologie, plage commune entre mes 6e et les CM2 de l’école d’en face pour la page « sciences » du journal numérique du réseau. On y trouve même des temps de concertation, de réunions de cycle et de suivi des élèves.

La porte s’ouvre ! C’est le documentaliste ! Ouf ! Enfin quelqu’un qui pourra me renseigner sur ce qui se passe. Je l’interroge sur cet emploi du temps. Il me regarde comme si je débarquais d’une lointaine planète. Il ne me répond pas et préfère me parler de l’organisation de l’accueil du matin dont il est visiblement un des coordonnateurs.

Le monde de l’école semble être devenu celui dont je rêvais. Et tout cela parait naturel à tout le monde. La normalité aurait-elle changé ? Ce n’est donc plus à nous de nous battre de dossiers en dossiers, de critiques en critiques face à une inertie complète face au changement, face au progrès ?

Plus besoin de se justifier à longueur de temps sur des choix pédagogiques différents ? Voilà que la situation est inversée.

Bien sûr tout ceci est faux. Mais est-ce si absurde ? Aujourd’hui, le fonctionnement classique, aussi contreproductif soit-il, est ancré culturellement. Les marges de manœuvres existent sur le papier mais pour s’en emparer, il faut lutter, se justifier, faire face aux regards défiants. Réussir à mettre en place une classe sans notes, à apporter un peu de souplesse dans les emplois du temps relève d’une concordance de situations favorables. Et, quoi qu’il arrive, ce n’est jamais simple.

Aujourd’hui, nous sommes censés refonder. Alors allons-y, pour que cette école des temps diversifiés, de l’évaluation positive, du travail en équipe, de la coopération interdegrés ne soit plus une utopie, mais une réalité dans quelques années.