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À l’université, des consignes pour utiliser les consignes

Les langues dans une université de sciences sont souvent considérées comme « secondaires » par rapport aux disciplines du « coeur de cible ». L’anglais, bien qu’il soit reconnu comme indispensable, ne jouit pas d’une image très positive. Les étudiants sont fortement conditionnés par la culture scientifique de type descendant, et il est aussi nécessaire de considérer les contraintes institutionnelles difficilement contournables sur lesquelles les enseignants ne peuvent pas influer. Elles sont valables pour les modules d’anglais du L1 au M2. En théorie, ces modules sont de vingt-quatre heures en présentiel et comprennent vingt-quatre étudiants de niveaux hétérogènes, sans motivation spéciale pour l’anglais.

Le point de vue des étudiants sur la forme des consignes

D’après un questionnaire complété par seize étudiants, neuf d’entre eux préfèrent que les consignes soient écrites et sept qu’elles soient écrites et orales. Le support est variable, soit du papier, soit le tableau et ils recopient l’énoncé. L’écrit leur permet de mieux comprendre, c’est, selon eux, un moyen de vérifier ce qu’ils ont lu. Sept ont une préférence pour les consignes en anglais et en français, cinq uniquement en anglais et seulement trois les préfèrent en français. Ils les souhaitent en français à l’écrit pour être surs d’avoir bien compris et en anglais à l’oral pour continuer à pratiquer l’anglais par l’écoute.
La consigne n’a pas qu’un but pragmatique, mais aussi cognitif. Neuf préfèrent des consignes courtes pour la précision, la clarté et une compréhension rapide. Ils souhaitent les avoir au tout début, avant la distribution de la feuille de travail ou de la constitution des groupes par exemple. Ainsi ils sauront à quoi s’attendre et les verront par eux-mêmes.

La démarche de l’enseignante

Pour moi, les consignes doivent avant tout être comprises et respecter certains critères : la visée professionnelle de l’enseignement des langues en licence, le cadre de la médiation.
Les activités préconisées dans cette formation reposent par la notion de tâches fondées sur des actions sociales à accomplir. Elles sont souvent réalisées en binômes, pour augmenter les occasions de s’entrainer à l’oral, compétence essentielle pour ces étudiants. Il peut y avoir un support textuel ou audio/vidéo (avec feuille de travail).
La médiation est fondée sur la responsabilité de l’apprentissage de l’étudiant qui doit prendre des décisions pour devenir autonome. L’accent est mis sur les stratégies à développer avec l’enseignante-médiatrice et les pairs, avec prise en considération de l’identité de chaque étudiant.
Les consignes seront donc concises, en anglais, inscrites au tableau et à l’oral. Si les étudiants sont perdus, une aide en français est fournie. Le passage de la lecture à l’exécution est facilité, car l’ordre de présentation des instructions correspond à l’ordre d’exécution. Peu de mots et de phrases sont donnés et sous forme de mots clés dans des propositions juxtaposées pour les laisser s’impliquer et agir. Ils peuvent formuler des hypothèses et l’enseignante les confirmera ou non. Le facteur temps – temps de préparation, temps de passage (pour un oral) — a son importance et est toujours précisé : il détermine la complexité de la tâche.

Les processus cognitifs en œuvre

Il y a trois types de processus cognitifs dans l’utilisation des consignes : lecture-compréhension, planification, puis exécution des tâches. Nombreux sont les étudiants qui éludent la première étape. D’après un deuxième questionnaire, plus de la moitié d’entre eux commence par élaborer un plan, puis cherche des idées. Ils reconnaissent que les consignes ne nécessitent pas une mise en place plus adaptée, ni qu’elles les empêchent d’exécuter la tâche. Le manque de temps est leur problème principal, ce qui implique une difficulté à s’organiser. Ils ont du mal à mettre en adéquation le temps imparti et la tâche à faire. Ils considèrent aussi qu’il leur manque du vocabulaire pour bien saisir les consignes.

Percevoir l’implicite

Par l’observation, nous voyons que les consignes brèves les déconcertent souvent, la simplicité du sujet aussi. Ils oublient qu’elles sont rarement entièrement explicites. Les étudiants sont conduits à effectuer des inférences, en s’appuyant sur d’autres sources d’informations pour les réaliser comme ses connaissances préalables. Or ils s’attardent sur des éléments insignifiants comme une date et passent du temps sur le descriptif pour éviter de réfléchir. Ils font souvent l’activité en français et ne trouvent pas le temps de passer à l’étape ultime, mais cruciale : exposer le sujet en anglais à leur camarade. L’exécution de la tâche est donc souvent incomplète. Ils ont l’habitude de se lancer dans l’écriture sans avoir préalablement réfléchi à deux, à voix haute. Ils perdent souvent de vue l’objectif principal de la tâche, l’expression orale, pour aller vers la facilité : écrire et décrire. L’écrit les rassure. Au début de l’activité, les étudiants lisent la consigne pour comprendre ce qu’il y a à faire. Or le but de la lecture va au-delà de la compréhension et implique des processus de prise de décision qu’ils sont longs à déclencher. Ils n’ont en général pas créé d’automatismes et à chaque fois ils posent des questions dont les réponses sont dans les consignes, pour se rassurer.

Donner des outils

Dans le cadre de la médiation, au cours de la première séance, j’explique les trois processus compréhension/planification/exécution, et leur rappelle qu’il est nécessaire de se concentrer sur l’objectif de la tâche et de mobiliser un minimum d’attention lors de la lecture des consignes, ce qui implique d’être rapidement opérationnel. La médiation, qui les responsabilise, les place dans une situation de coopération sociale avec leurs pairs. Ainsi ils développent leurs propres méthodes et organisation en prenant conscience que certaines de leurs attentes ne cadrent pas avec les objectifs de leur formation professionnelle : la consigne est d’ordre pragmatique, l’aspect cognitif se produira dans la préparation de l’activité (compétences langagières).

Claire Chaplier, MCF11, membre du LAIRDIL, UFR langues Université Toulouse III.