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À l’origine de la réussite, des parents motivants

« Je ne peux concevoir un développement de l’énergie psychologique que constitue la motivation, en dehors d’une relation humaine ». Cette conviction, à la base de la réflexion de Jacques André, donne le ton de cet essai, particulièrement stimulant.
Jacques André a travaillé sur le concept-clé de motivation dans sa longue pratique professionnelle, en tant qu’entraineur, en tant qu’enseignant, en tant que chercheur et formateur. Il a recueilli et formalisé les fruits de son expérience dans un ouvrage paru en 2005 : Éduquer à la motivation, Cette force qui fait réussir. Il reprend dans cette nouvelle publication l’essentiel des principes relatifs au développement de la motivation en s’adressant en priorité aux parents, constituant une sorte de « guide pour l’action » à l’usage de tous les éducateurs. Car il est bien question d’agir. Et en tout premier lieu sur soi-même…
Le parti pris de l’auteur est donc de mettre à portée de tous, parfois au risque de la simplification, les connaissances acquises en psychologie de façon à mieux comprendre ce qui est en jeu dans l‘aptitude à la réussite . Celle-ci est comprise dans ce sens : « Une vie est réussie quand un individu ne subit pas sa vie, mais la construit ».
Il s’agit d’abord de lutter contre certaines idées préconçues : celle du « don » semble la plus répandue encore et la plus dangereuse. Prétexte à la résignation, à la paresse parfois, en tous les cas à l’échec programmé… « La réussite n’est pas affaire de dons, mais de travail, et celui-ci est fourni efficacement quand la personne est motivée ».
On en arrive ainsi très vite au cœur du problème : le travail – en quantité et en qualité – est un effort qui ne peut se décréter et s’imposer par la contrainte ou la menace. Il y faut un « carburant » , une « énergie psychologique » qui trouve sa source dans le plaisir, aliment et moteur de la motivation. Ce plaisir n’est pas à prendre dans le sens dominant aujourd’hui de jouissance fondée sur la consommation ou la satisfaction immédiate de tous les désirs. Jacques André en évoque deux formes essentielles : le plaisir de faire plaisir (qui permet une forme d’échange fondamentale en éducation), et le plaisir de faire des efforts, qui ne va pas de soi mais peut et doit s’éduquer. C’est le travail de la famille et de l’école maternelle et élémentaire de le faire connaitre à travers des activités corporelles et sportives ainsi que des activités artistiques et intellectuelles.
Jacques André se situe en amont de l’école pour une part de son ouvrage : rappelant les acquis des sciences psychologiques autour du jeune enfant dont la croissance harmonieuse dépend de la sécurité et de l’amour qui lui sont assurés dans ses premiers apprentissages, il montre combien ces connaissances de base sont méconnues chez de nombreux parents, pour être plus tard dans l’institution scolaire, complètement ignorées. Cette dernière privilégie de manière quasi exclusive la dimension cognitive de la personne. Jacques André apporte sur ce point l’éclairage des neurosciences avec la théorie du cerveau triunique de Lean : cerveau reptilien, système limbique et néocortex constituent l’être humain dans sa triple dimension corporelle, affective et intellectuelle. Ce n’est pas la partie la plus convaincante du fait de l’extrême simplification de la présentation, mais elle a son utilité pratique : nous rappeler que si l’émotionnel agit sur l’intellectuel, la réciproque n’est pas vraie. Aucun raisonnement logique n’a de prise sur le vertige… Les messages de réassurance, l’accompagnement psychologique, l’écoute empathique peuvent à l’inverse aider à franchir l’obstacle.
Deux besoins essentiels sont ainsi analysés : le besoin de sécurité et le besoin d’estime de soi. C’est lorsqu’ils sont pris en compte en compte que la réussite devient possible pour chacun.

Qu’on ne fasse pas de procès en « naïveté » ou angélisme à Jacques André. Ses convictions sont étayées par des recherches-action probantes, inscrites dans la durée, comme en témoignent les récits de vie et d’expériences qui illustrent le texte. Les vrais naïfs, à mon sens, sont ceux qui s’obstinent à inculquer des préceptes ou des savoirs, et à s’étonner devant les contresens dans le meilleur des cas, ou l’absence de sens le plus souvent, qui résultent de ces formes d’apprentissage.
Un livre de « vulgarisation » qui remplit son pari : tout en mettant au jour les aberrations d’un système éducatif anxiogène, redoublant les effets nocifs d’une attitude parentale souvent inadéquate, il donne au lecteur – parent ou enseignant – de multiples raisons de reprendre confiance et des pistes concrètes d’action.

Marie-Christine Chicky