Les Cahiers pédagogiques sont une revue associative qui vit de ses abonnements et ventes au numéro.
Pensez à vous abonner sur notre librairie en ligne, c’est grâce à cela que nous tenons bon !

À l’épreuve du social

richard_etienne_jp-fournier.jpg

Il est peu de mots plus trompeurs dans notre domaine qu’«autrement». Il signifie trop souvent «n’importe quoi» : «autrement» ou encore «différent», voire «alternatif», ça peut être une orientation spiritualiste, et, même si elle est sincère, elle posera question à des enseignants préoccupés de valeurs démocratiques, coopératives, en prise sur le monde réel et ses scansions sociales.

Cette distinction peut aussi servir de prétexte aux écoles de l’entre-soi social, à base d’enseignement bilingue of course et de bienveillance, mais avec des tarifs dissuasifs pour la plupart des parents : dans ce registre, il n’y a pas que les écoles privées confessionnelles, qui scolarisent un peu plus d’enfants des classes populaires ou moyennes apeurées, il y a aussi les écoles hors contrat de l’Ouest parisien et quelques autres. Ce n’est pas récent, et la très élitiste école des Roches, une des pionnières de l’éducation nouvelle, en est un exemple. Et d’autre part, aujourd’hui, beaucoup de parents des classes moyennes intellectuelles s’inquiètent doublement du conservatisme de l’enseignement ordinaire et des dangers qu’ils voient dans la mixité sociale. C’est une véritable vague : les piles de livres estampillés «Montessori» dans les librairies en donnent une idée. De la même façon, quoique sans doute numériquement bien plus limité, le homeschooling ou école à la maison, dans ses multiples variantes, a certainement le vent en poupe, même si ses effectifs restent modestes en France.

Pourquoi ce dossier ? Parce qu’à nos yeux, c’est une nécessité que de faire un pas de côté par rapport à un ordinaire vraiment insatisfaisant. C’est notre raison d’être, aux Cahiers pédagogiques : nous ne nous satisfaisons pas d’un enseignement où, quels que soient les mouvements de manche, grandes déclarations et petites réformes des différents ministres, le changement dans les établissements et les classes est rarement présent ; les routines restent sans signification pour tant d’élèves, les apprentissages découpés et implicites l’emportent sur le reste. Alors, oui, il faut faire autrement. Mais comment ?

Nous n’avons pas voulu jouer les censeurs. Le choix des classes et des écoles de ce dossier est essentiellement le fruit des réponses à notre appel à contribution ; il n’y a que quelques écoles, dont nous connaissions le travail, avec lesquelles nous avons pris directement contact. Nous n’avons pas pour autant abandonné notre gouvernail, annoncé dès le départ : comment ces classes et ces lieux scolaires réagissent-ils au postulat de l’égalité ou de l’équité sociale ? Qu’en est-il des pratiques réelles et non proclamées ?

Nous prenons dès la première partie de ce dossier la question des alternatives à bras-le-corps, avec une série d’articles qui en montrent la créativité et la diversité. Les écoles ou les classes autres répondent souvent à des publics pour lesquels l’ordinaire ne convient pas : ces créations prétendent répondre, de mille façons, parfois opposées, à des besoins particuliers. À ceux d’élèves différents. D’où notre deuxième partie. Mais nous n’oublions pas que pour les militants pédagogiques que nous sommes, «autrement» c’est notre quotidien. Et nous avons le plaisir de présenter quelques échantillons de ce qui se fait aujourd’hui, et pour demain !

Ce tour d’horizon ne s’arrêtera pas avec ce dossier : à l’heure où les conservatismes se réclament de la nouveauté, on ne peut pas vivre enfermé. Nous nous contentons ici de fournir un matériau fragmentaire et aléatoire, sans valeur représentative, mais qui peut, par ses informations réfléchies, répondre partiellement à un questionnement actuel et durable.