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À contre-courant

Oyez braves gens ! Notre président de la République l’a annoncé en personne dans les médias, il a trouvé la solution au recrutement et à la formation des enseignants : le concours au niveau bac + 5, et le « compagnonnage » ensuite. Quid alors d’une véritable formation professionnelle ? Peut-on croire qu’un allongement des études universitaires suffirait en soi à préparer à l’enseignement, de la maternelle au lycée ?
Nous voudrions souligner le paradoxe : alors que le gouvernement met en chantier une réforme ambitieuse, voire audacieuse du lycée, voudrait-il sérieusement revenir 30 ans en arrière sur la question de la formation des enseignants ? Comment peut-on penser améliorer l’accompagnement des lycéens dans des travaux autonomes, leur apporter une aide individualisée de qualité, les faire travailler en groupe et en pratiquant l’interdisciplinarité, si les enseignants chargés de si difficiles missions n’ont que le recours à l’expérience sur le tas ou à la seule accumulation de connaissances disciplinaires ? Il paraît urgent de rappeler que savoir ne garantit pas de savoir transmettre, que comprendre ne suffit pas à comprendre pourquoi d’autres ne comprennent pas, qu’enseigner, cela s’apprend. La formation professionnelle des enseignants doit passer par une véritable réflexion sur les pratiques, donner une large place à l’innovation pédagogique, et cela ne peut se faire sous la seule forme du « compagnonnage ».
Autre paradoxe. Des enseignants qui se limiteraient à l’exposé de connaissances en croyant que cela puisse suffire à les transmettre effectivement, faute d’avoir appris à gérer une classe, à comprendre comment les élèves apprennent, à utiliser des évaluations, seront bien mal préparés à faire réussir les élèves, notamment les plus éloignés de la culture scolaire : comment prétendre alors s’inquiéter de la réussite de tous ?
Nous tenons à souligner que ces nouvelles orientations sont en complète contradiction avec les compétences du métier telles qu’elles ont été définies par le Haut Conseil de l’éducation, ainsi qu’avec la formation de la plupart des pays industrialisés. Elles font également fi des compétences acquises par les IUFM depuis leur création en 1991, en matière de formation professionnelle initiale et continue. Ces instituts, au-delà des critiques complaisamment relayées par certains lobbies pratiquant la désinformation, ont largement rempli leur mission. Il faut continuer à les faire évoluer, non les détruire.
Contrairement à ce qu’une lecture rapide pourrait faire croire, le recrutement au niveau Master n’est pas un progrès pour les futurs enseignants s’il signifie les envoyer dans les établissements scolaires sans ressources pédagogiques et didactiques : ce ne pourrait l’être que si leur formation intégrait une large part de professionnalisation, que si celle-ci était intégrée dans des concours à rénover en profondeur.
Le CRAP-Cahiers pédagogiques suivra avec attention ce dossier, pour que les nombreux progrès accomplis dans la formation des enseignants depuis des années ne soient pas balayés d’un trait de plume hâtif.


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